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On peut lui reprocher aussi le goût de se faire remarquer, le désir d’étonner, de s’attirer la popularité par des moyens vulgaires, qui frisent ce que la langue moderne nomme le cabotinage. Lui-même en convient sans détour, témoin cette phrase d’une de ses lettres à son frère : « Vous valez mieux que moi, mais je suis plus charlatan. Je le suis de raison, de modestie ; j’outre un peu là-dessus, en paraissant simple, naturel, réfléchi[1]. » Il plaisait, au reste, à la foule par sa bonne mine et par son visage noble — « la bouche jolie, les dents belles, le sourire agréable[2], » — par le soin qu’il prenait de traiter avec distinction les gens les plus modestes. « Dieu m’a fait naître gentilhomme, disait-il volontiers ; je fais le prince le moins que je peux. » Il eût été pourtant peu prudent de s’y fier ; à la moindre contradiction, il reprenait bien vite « un ton et une contenance de maître[3]. »


Le projet du voyage en France remontait chez l’Empereur à l’époque des fiançailles de Marie-Antoinette. A son départ de Vienne, en lui disant adieu, il avait dit et répété qu’il irait la voir à Versailles. Plus d’une fois, depuis lors, il avait rappelé cette promesse, mais plus mollement de jour en jour, et sans recevoir de sa sœur un encouragement bien marqué. Mais, au cours de l’été de l’an 1776, l’idée prend corps soudain, et, sur-le-champ, il s’occupe de fixer une date. « Je compte toujours, mande-t-il à Mercy-Argenteau[4], choisir un moment propice pour venir voir la Reine et la France… Voilà comment je penserais arranger cette course : je voudrais être les derniers jours du carnaval à Paris, en voir le bruit, et ensuite, pendant le carême, m’occuper des détails tant de la vie privée de ma sœur que des objets d’instruction et de curiosité que cette grande ville contient. » A quelque temps de là, il précise son dessein et revient avec insistance sur son désir de corriger sa sœur et de la mettre « dans le droit chemin, » car, ajoute-t-il, « il me parait qu’elle commence à s’en égarer, et vous pouvez compter que ce ne sera qu’après avoir bien vu et après avoir gagné sa confiance que je réglerai mes propos. »

  1. Lettre du 11 juillet 1777. — Maria-Theresia und Joseph II.
  2. Souvenirs du marquis de Valfons.
  3. Ibidem.
  4. Lettre du 22 août 1776. — Correspondance publiée par Flammermont.