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Commission du Sénat chargée d’examiner le traité franco-allemand. Après une dizaine de jours de suspension de ses travaux, la Commission du Sénat les a repris et elle avait entendu M. le président du Conseil avec des dispositions plutôt favorables. M. Caillaux avait fourni des explications qui n’étaient peut-être pas tout à fait satisfaisantes, mais qui semblaient claires, sur l’affaire de la N’Goko-Sangha et sur le chemin de fer du Congo-Cameroun et les assemblées, petites ou grandes, aiment tant la clarté, ne fût-elle qu’apparente, qu’il leur arrive quelquefois de s’en contenter. Voyant cela, M. Caillaux a estimé l’occasion opportune pour dissiper certaines préventions qui s’étaient répandues contre lui dans le monde parlementaire, et même ailleurs.

On lui reprochait d’être intervenu de sa personne et de celle de ses agens dans les négociations diplomatiques officielles, qui en avaient été gênées et troublées. Si le fait n’est pas vrai, M. Caillaux est une grande victime de la calomnie, car l’accusation a été lancée contre lui de nombreux côtés, au point que même les sceptiques qui ne croient à rien sans en avoir la preuve, mais qui, suivant le proverbe populaire, estiment qu’il n’y a pas de fumée sans feu, avaient été émus d’un bruit qui leur était revenu de partout. Il fallait continuer ce bruit, ou lui opposer une dénégation formelle : M. Caillaux a nié. Il a donné sa parole qu’il n’y avait rien de vrai dans ce qu’on avait raconté de sa diplomatie personnelle. S’il y a eu autrefois le secret du Roi, il n’y a pas aujourd’hui le secret du président du Conseil. En dehors des négociations conduites par nos ambassadeurs, aucune autre n’a existé : M. Caillaux l’a affirmé et, à l’affirmation contraire, il a infligé le démenti le plus résolu. Les membres de la Commission étonnés, un peu déconcertés, se regardaient sans rien dire, lorsque M. Clemenceau a pris la parole et s’adressant, non pas à M. le président du Conseil, mais à M. le ministre des Affaires étrangères, lui a demandé s’il pouvait donner l’assurance que lui et notre ambassadeur à Berlin avaient été seuls à négocier et s’il n’était pas à sa connaissance que, à côté et en dehors d’eux, des pourparlers avaient été poursuivis par d’autres personnes. L’interrogation était nette : M. Clemenceau parlait comme un homme très sûr de la réponse qui devait lui être faite ; mais M. de Selves, après s’être recueilli un moment, a déclaré qu’il ne pouvait en faire aucune, placé qu’il était entre deux devoirs, respecter la vérité et se conformer aux obligations que lui imposait sa situation de ministre. Il était difficile de faire mieux entendre qu’il ne pouvait pas dire la vérité, parce qu’elle était contraire aux affirmations de M. le président du