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athénienne a cédé la place à sa sœur, la béotienne, les Rois ont mené une joyeuse et ironique farandole autour d’un Bloc qui ne leur dit rien qui vaille. Et pourtant, de Dumas père à Meilhac et de Victor Hugo à MM. de Flers et de Caillavet, les auteurs dramatiques ont eu peu de part aux mésaventures des politiques successives que le siècle a vu s’effondrer comme autant de châteaux de cartes. Je n’oublie pas le Mariage de Figaro ; mais la pièce ne devint redoutable que du jour où elle fut interdite. On dit souvent que le théâtre est un puissant moyen de propagande et même d’action. Je serais aujourd’hui plus disposé à croire qu’il sert à l’opinion comme d’une soupape, pour se détendre et s’évaporer. En France, disait-on jadis, tout finit par des chansons. Nous ne chantons plus guère, ayant beaucoup perdu de notre ancienne gaieté. Mais nous raffolons du théâtre, parce que nous nous ennuyons chez nous. Dans la France d’aujourd’hui, tout finit par des comédies.

Les Favorites de M. Capus et les Sauterelles de M. Emile Fabre appartiennent à ce genre de l’actualité satirique. Mais la manière est différente. C’est à une reprise de la Vie parisienne que la pièce de M. Capus a succédé sur l’affiche des Variétés ; même elle a dû attendre que le succès étourdissant de cette reprise commençât à s’épuiser ; et c’est un des « petits faits » de l’histoire théâtrale les plus curieux à noter que ce regain de succès dont bénéficie, après tantôt un demi-siècle, un ouvrage si mince, si fantaisiste, et fait, semblait-il, pour le plaisir d’un moment. A vrai dire, la comédie de M. Capus ne succédait pas seulement à la comédie fameuse de Meilhac et Halévy ; elle la continuait. C’est le même art délicat, léger, insouciant, qui effleure, qui égratigne, qui se garde d’appuyer et d’insister. C’est la même nonchalance à conduire une intrigue dont il est clair que l’auteur est peu préoccupé, si même elle n’est le dernier de ses soucis. Même discrétion dans les effets et même subtilité de nuances. Les partisans de la pièce « bien faite » ne sont guère contens ; et ceux qui ont besoin d’un dialogue un peu monté de ton se déclarent déçus. Mais ceux qui dans la comédie de mœurs goûtent par-dessus tout de fins croquis, une satire à fleur de peau, une ironie partout répandue, sont servis à souhait.

Les « favorites, » ce sont les maîtresses de nos maîtres. Les moralistes de la troisième République ont beaucoup reproché à nos rois de n’avoir pas toujours été des maris modèles ; ils ont eu bien raison ; et il est certain que ceux qui gouvernent les États devraient donner l’exemple de toutes les vertus. Pourquoi faut-il que, sous un régime