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à un de ses amis : « Lady Byron est la perfection même, le modèle des épouses… Mais, pour Dieu ! ne vous mariez pas ! » Et avant la fin de cette année 1815, alors que sa femme était sur le point de lui donner un enfant, il parlait de faire maison nette, de liquider sa situation et de voyager seul sur le Continent. Ses affaires étaient dans le plus triste état ; les huissiers firent plusieurs fois irruption chez lui pour saisir ses meubles et jusqu’à son lit, à la requête de tel ou tel créancier qui perdait patience. Ces saisies périodiques, que l’on rangeait parmi les petites misères inévitables de la vie de garçon, troublaient désagréablement l’existence d’un homme marié et surtout d’une jeune femme habituée à tous les conforts comme à tous les égards qui entourent le rang et la respectabilité. L’humeur de Byron s’aigrissait et les distractions qu’il se donnait n’étaient pas faites pour ramener l’ordre dans ses comptes, ni la tranquillité dans son ménage. Il faisait partie du Comité directeur de Drury Lane, fonction périlleuse qui le mettait en rapport quotidien avec les actrices. De là des infidélités qui revenaient aux oreilles de lady Byron. Dans une de ces circonstances eut lieu, s’il faut en croire les confidences faites plus tard par la jeune femme à une amie, une scène étrange où Byron se montra à la fois puéril et odieux. Voyant lady Byron implacable dans son froid ressentiment, il se jeta à ses pieds, s’accusa, se condamna passionnément : « J’ai tort, je suis un monstre ! « Lorsque enfin elle se tourna vers lui la figure couverte de larmes, il se releva brusquement, sauta d’un bond à quelques pas et, croisant les bras, la regarda d’un air de défi : « Je voulais voir si je vous ferais changer de résolution ! » Et il éclata de rire.

Ada vint au monde le 8 décembre 1815. Le 3 janvier 1816, Byron entra, pour la dernière fois, dans la chambre où se trouvaient la mère et l’enfant. Après ce jour, il ne communiqua plus que par écrit avec sa femme. Le 6 janvier 1816, elle recevait de lui le billet suivant :

« Quand vous serez disposée à quitter Londres, il sera bon de fixer une date et que cette date soit aussi rapprochée que possible. Vous connaissez ma pensée sur ce sujet ainsi que les circonstances qui m’ont conduit à cette résolution ; vous savez quels sont mes plans ou, plutôt, mes intentions pour l’avenir. Quand vous serez à la campagne, je vous écrirai plus longuement ; puisque lady Noël vous a invitée à Kirkby, vous pouvez y