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Suivant que tels ou tels matériaux ont baissé ou enchéri, leur usage s’est naturellement développé ou restreint : un officier de marine, médiocrement fortuné, ne pourrait sans doute plus s’offrir à Brest, ainsi que le commandant de Balleroy en 1781, des boiseries à 5 fr. 50 le mètre qui, aujourd’hui, vaudraient le double ; mais la peinture à deux couches de son cabinet lui coûterait beaucoup moins de 1 fr. 80 le mètre carré, que payait ce chef d’escadre sous Louis XVI, et surtout on ne lui compterait pas le vitrage à raison de 25 fr. 60 par croisée.

Au XVIe siècle, le petit carreau, de 32 centimètres, valait 2 fr. 60 en verre blanc, quatre fois plus en verre peint et le panneau de verre neuf, en gros plomb, représentant des armoiries, devises ou « histoires, » coûtait environ 400 francs. Si les vitraux ont peu baissé depuis la Renaissance, les vitres sont devenues vulgaires ; elles ne sont plus un privilège de l’aisance et l’on ne répondrait plus au bachelier de Limoges, qui demandait où il devait déposer des exemplaires de sa thèse : « Allez dans toutes les maisons où vous verrez des vitres aux fenêtres. » C’est une des conquêtes de la science que d’avoir fait pénétrer le jour dans les plus humbles demeures, dont les châssis de papier sacrifiaient jadis la clarté à la chaleur.

Ce progrès n’est pas le seul et si, comme je crois l’avoir montré par les chiffres, il n’en coûterait pas plus de nos jours que jadis pour bâtir une maison analogue à celles de l’ancien type ; si, tout en doublant le salaire effectif des ouvriers du bâtiment, notre siècle est parvenu à ne pas augmenter les Irais de la bâtisse elle-même, c’est que notre industrie guidée par la science a su réduire le coût des matériaux. Le bloc de grès, mécaniquement découpé en tranches, poli au fil tordu, semble n’avoir plus rien de sa dureté indocile, lorsqu’on voit le perforateur à couteau circulaire isoler dans son sein une colonne cylindrique qui laisse, une fois retirée, un trou vide à sa place Ces pierres, taillées ou dégrossies, tel gros marchand de Paris en fait venir, de trente-trois centres de carrières, deux millions de mètres cubes par an.

La brique, par la compression et la qualité de la terre ; le plâtre, par la cuisson dans des fours coulans à feu continu ; la chaux hydraulique et le ciment, par le perfectionnement de la mouture qui ramène les matières à une complète homogénéité ; l’ardoise, dont une seule maison d’Angers extrait et façonne