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comparaison avec le loyer des simples chambres d’ouvriers qui ressort en moyenne à 50 francs par an, — de 25 à 80 francs, — à Troyes, à Orléans, à Nîmes, voire en de gros villages comme Rambervillers (Lorraine). S’il s’agit d’un local plus vaste, la chambre à tenir les assemblées d’échevins ou les écoles sera de 159 francs à Bourges (1468) et de 333 francs à Nantes (1517). Ces prix n’avaient pas augmenté aux temps modernes : une chambre d’étudiant se louait 34 francs à Rouen (1701), le même prix qu’une chambre de portefaix à Clermont-Ferrand (1695) ou à Mézières (1754) ; et l’on se demande ce que peut être celle qu’un sargetier paie 11 francs à Tulle (1664), lorsque à Nyons (Dauphiné) celle du médecin de ville vaut 78 francs, que Romorantin donne 94 francs pour celle qui lui sert de mairie (1733) et qu’à Etampes un boulanger doit 101 francs pour la sienne, à laquelle sans doute est joint un four.

Je ne parle pas des échoppes, « ouvroirs » ou logettes, parce qu’ici le privilège de situation et les chances de clientèle font payer 1 000 francs une boutique au Palais, à Paris, dans la salle des Merciers (1716) ; ou 1 026 francs à Lyon la boutique, avec chambre, d’un tailleur ; tandis qu’une échoppe de serrurier à Bordeaux se louait 126 francs (1679). Si les étaux de cordonniers ou savetiers valaient 44 francs à Orléans (1442), 156 francs à Paris (1590) ou 83 francs à Clermont-Ferrand (1709) ; ou si les « bancs » et places des bouchers allaient de 35 francs à Evreux, au XIVe siècle, jusqu’à 500 francs à Bordeaux au XVIIe, cela ne tenait peut-être pas au luxe de ces « magasins, » ni à l’espace plus ou moins vaste, — 6 à 7 mètres carrés en général, — dont ils disposaient. Il n’y avait pas ici de corrélation nécessaire entre le loyer et les frais de construction.

Pour les maisons au contraire, si l’on fait la part du terrain et des vicissitudes historiques de hausses et de baisses que j’ai racontées précédemment[1], en comparant au loyer, — c’est-à-dire à l’intérêt du capital qu’ils représentent, — le coût des matériaux et de leur mise en œuvre, aux temps passés et aux temps actuels, nous arrivons à reconstituer en quelque sorte les maisons de jadis, puisque nous en dressons le devis. Cela nous permet d’apprécier leur contenance et d’imaginer les conditions de vie de leurs habitans.

  1. Voyez Découvertes d’histoire sociale, 1 vol., chez Flammarion.