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sont inspirés, soit sur la terre ferme qui nourrit les génisses, soit dans les îles. Les hauts rochers te chantent, et les sommets des montagnes, et les fleuves qui roulent à la mer, et les promontoires qui avancent sur la mer et les ports. » Ainsi la terre elle-même chante un hymne au Dieu, avec sa faune et sa flore, réponse vivante aux rayons qui l’embrassent. Le rhapsode célèbre ensuite la naissance d’Apollon. L’événement capital de notre système planétaire, l’éclosion du soleil dans la nuit saturnienne, que les richis de l’Inde apercevaient sous son aspect cosmogonique réel, en vastes cercles d’ombre et de lumière, prend dans l’imagination grecque la forme d’un conte gracieux, où perce un symbolisme profond. C’est la pensée dorienne traduite par un rhapsode ionien. Léto, à genoux devant le palmier de Délos qu’elle embrasse, a enfanté le Dieu. « Toutes les Déesses hurlèrent de joie… Et sa mère ne lui donna point la mamelle à Apollon à l’épée d’or, mais Thémis (la Justice) lui offrit de ses mains immortelles le nectar et l’ambroisie désirable, et Léto se réjouit parce qu’elle avait enfanté un fils, puissant archer. Phoïbos, après avoir bu le nectar, ne put se contenir, il rompit tous ses liens. Il dit aux Immortelles : — Qu’on me donne la kithare amie et l’arc recourbé et je révélerai aux hommes les véritables desseins de Zeus. Ayant ainsi parlé, l’Archer Phoïbos aux longs cheveux descendit sur la terre aux larges chemins et toutes les Immortelles étaient stupéfaites, et Délos se couvrit tout entière d’or et elle fleurit comme le faîte d’une montagne sous les fleurs de la forêt. » L’auteur de l’hymne peint ensuite les effets prestigieux du culte d’Apollon à Délos. « Si quelqu’un survenait tandis que les Ioniens sont ainsi rassemblés par toi, il croirait que ce sont autant d’Immortels à l’abri de la vieillesse. Et il admirerait leur grâce à tous, et il serait charmé, en son âme, de contempler les hommes et les femmes aux belles ceintures et leurs nefs rapides et leurs nombreuses richesses, et par-dessus tout, un grand prodige dont la louange ne cessera jamais, les vierges Déliades, servantes de l’Archer Apollon. Elles louent d’abord Apollon, puis Léto et Artémis joyeuse de ses flèches. Puis elles se souviennent des hommes et des femmes antiques, et, chantant un hymne, elles chantent la race des hommes. Elles savent imiter les voix et les rythmes de tous les peuples et on dirait entendre une seule voix, tant elles accordent parfaitement leur chant. »