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collaborateurs du pays, bien au fait d’habitudes très différentes de celles d’Europe ; ils ne négligent pas les affaires les plus minimes, et en ces pays où souvent il faut beaucoup parler avant de conclure, s’arment d’une inaltérable patience. Les Allemands paraissent moins heureux au Chili dans l’industrie que dans la banque : lorsqu’ils doivent s’adresser à la main-d’œuvre indigène, ils manquent de doigté ; des chantiers de constructions navales et de réparations, à Valdivia, végètent, malgré l’importance locale de leur spécialité. Si la Compagnie de navigation Kosmos, où l’on travaille entre Allemands, mène une concurrence redoutable contre ses rivales anglaises, un Allemand n’a pu se maintenir à la direction des chemins de fer de l’Etat chilien ; il ne dominait pas une comptabilité d’ailleurs très embrouillée, mais surtout il était sans cesse débordé par des grèves ; un éminent ingénieur belge, maladroitement écarté naguère, lui a succédé.

L’influence allemande est très apparente dans l’Université chilienne, et surtout dans l’armée. Le matériel scolaire vient d’Allemagne, quelquefois de l’Amérique du Nord ; la pédagogie s’inspire des méthodes allemandes ; et nous reconnaissons volontiers que la plupart des professeurs allemands engagés par le gouvernement chilien font honneur tout ensemble à la science et à leur pays ; certains, dont les contrats sont plus courts, montrent moins de tact et détournent la sympathie par leur présomption : tel un maître qui, cette année même, se prétendait supérieur aux règlemens de la Faculté où il enseignait et publiait, dans une revue médicale d’Allemagne, des articles malveillans sur la ville où il recevait une déférente hospitalité. Quant à l’armée chilienne, par ses règlemens, par ses uniformes, elle est d’apparence tout allemande ; c’est assurément un bel organisme militaire ; on ne saurait lui rendre meilleur hommage que de rappeler comment diverses républiques sud-américaines, la Colombie, le Paraguay, demandent à ses états-majors des missions pour l’éducation de leurs propres troupes. Les officiers allemands, instructeurs de l’armée chilienne, ont trouvé là des hommes vigoureux, accoutumés, sur les propriétés des hacendados, au ton du commandement ; ils en ont tiré fort bon parti. Toutefois le gouvernement chilien s’est aperçu de quelques intempérances ; il n’accepte plus que les fournitures militaires lui soient envoyées d’Allemagne, et comme