Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assurées, par mer, ses communications directes avec l’Atlantique ? Cette inauguration, en fait, rapprochera les ports sud-américains du Pacifique de New-York autant que de l’Europe ; on le sait à Santiago, et l’on ne semble pas s’en féliciter sans réserves. Les Etats-Unis, dans leurs rapports avec l’Amérique latine, ont trop souvent laissé percer la conviction de leur supériorité. Au Chili, le gouvernement de Washington a durement endossé la revendication d’un groupe de concitoyens, la firme Allsop, qui ont fini par obtenir une indemnité de 2 675 000 francs. Autant on apprécia naguère un Nord-Américain, Wheelwright, qui vécut au Chili de longues années et fut l’initiateur de la construction des chemins de fer, autant on estime les conseils techniques d’ingénieurs ou de spécialistes, autant on est peu enthousiaste, malgré les politesses officielles, pour des voyages qui prennent des airs d’inspections, comme celui du ministre Elihu Root en 1906, ou encore pour l’ingéniosité de capitalistes qui excellent à faire travailler à leur profit l’épargne d’autrui. Ce sentiment se fait jour à toute occasion, par exemple quand un diplomate nord-américain, avec une confiance trop peu nuancée, propose la médiation des Etats-Unis entre le Chili et le Pérou. A Santiago, l’opinion n’accueille sans défiance ni les démonstrations politiques de Washington, ni les démarches plus sourdes d’envoyés spéciaux japonais qui observent un besoin général de main-d’œuvre et ne seraient pas fâchés d’ouvrir les voies à une immigration nippone.

Le Chili est très soucieux d’écarter toutes les collaborations trop absorbantes ; plus volontiers que vers l’Amérique du Nord, il regarde donc vers l’Europe ; mais là encore, à mesure qu’il prend plus exactement conscience de lui-même, il témoigne quelque impatience des amitiés impérieuses. L’Angleterre a toujours été populaire au Chili, depuis le jour où l’amiral Cochrane associa la flotte britannique à l’épopée de l’indépendance ; les relations de commerce, issues de l’industrie minière, ont rapproché les deux pays ; nombre d’ingénieurs anglais sont venus s’établir au Chili ; l’exploitation des salitreras du Nord est en majeure partie aux mains de capitalistes de Londres. Une autre raison des sympathies anglo-chiliennes est le culte commun des deux nations pour leur flotte ; les jeunes gens des meilleures familles de la République servent volontiers comme officiers de vaisseau, après une préparation très sérieuse, au cours de