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barbarie, en même temps qu’une maladresse ; c’étaient des terres à peine habitées et riches surtout de possibilités d’avenir ; Argentine et Chili avaient mieux à faire que de se ruiner mutuellement pour vider par la force un pareil procès ; tous deux s’adressèrent au gouvernement de Londres ; une sentence arbitrale d’Edouard VII, en novembre 1902, trancha le litige par une honorable transaction. Les deux pays ont, depuis lors, resserré leur amitié ; des visites ont été échangées, entre les présidens, pendant l’année des centenaires ; le chemin de fer transandin, par Mendoza et les Andes, a été inauguré au printemps de 1910.

Pour le Chili, ce chemin de fer pourrait être une sortie, largement ouverte, sur l’Atlantique ; il n’en est malheureusement pas ainsi, car le transandin est présentement administré de manière à décourager le trafic. La construction a été difficile : rigueur du climat sur les sommets, raideur des pentes sur le versant chilien, aridité absolue du pays traversé ; mais il n’y avait rien là qui pût arrêter des ingénieurs résolus. Une puissante Compagnie anglo-argentine, le Pacifique, a pris sous son contrôle le transandin du versant oriental ; du côté chilien, la Compagnie d’exploitation a passé avec l’Etat un traité tel, qu’elle est intéressée à travailler le moins possible et à ne pas compléter ses travaux ; le matériel roulant manque, les galeries nécessaires sur les trajets ordinaires des avalanches ne sont pas construites, les tarifs ne sont pas fixés. Des intérêts particuliers aggravent la mésintelligence des deux transandins, qui se touchent comme à regret sur la ligne frontière et laissent les voyageurs exposés, par 3 200 mètres d’altitude, aux fantaisies d’un aubergiste sans pitié. Des commissions mixtes, réunies à Buenos-Aires, n’ont pas réussi encore à redresser ces malfaçons. Le transandin ne sera jamais, croyons-nous, une voie de transit pour les marchandises lourdes, en provenance ou à destination de l’Europe, qui préféreront l’économique route de mer sans transbordement ; mais il devrait faciliter les échanges locaux entre le Chili et les provinces préandines de l’Argentine ; il devrait être le chemin normal des passagers, des courriers, des colis-postaux… Il y a là, pour le Chili surtout, une nécessité nationale, qui autorise le gouvernement à des interventions catégoriques.

Attendra-t-il l’ouverture du canal de Panama pour voir