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Crête des Andes et fondèrent sur le versant oriental des estancias d’élevage. Les provinces de Mendoza et de San Juan relevèrent du Chili avant de passer, au moment de l’émancipation, dans l’alliance de Buenos-Ayres ; elles préparèrent, en 1816-1817, l’armée libératrice qui traversa les Andes sous les ordres de San Martin, et balaya le régime espagnol au Chili par les victoires de Chacabuco et de Maipu (1817-1818) ; aidé alors par les Chiliens affranchis, soutenu par la Hotte anglaise de l’amiral Cochrane, San Martin put libérer le Pérou à son tour : c’est exactement la réaction du flot créole sur la vague de la conquête espagnole.

Mais ces créoles, eux-mêmes, sont des Espagnols, ou du moins des néo-Espagnols. Si le gouvernement de Madrid n’a pas su ménager pour la dynastie royale l’avenir des populations sud-américaines, la race hispanique a marqué ces sociétés nouvelles d’une empreinte indélébile ; par la religion et par la langue, les Chiliens sont Espagnols ; les conquêtes qu’ils ont réalisées, au Sud et au Nord de leur région centrale, sont des conquêtes de l’hispanisme. Ils ont d’abord assimilé les Indiens ; ceux-ci n’ont pas été systématiquement détruits, ils se sont résorbés dans la race conquérante, non sans lui transmettre quelques-unes de leurs hérédités ; on aurait peine aujourd’hui à retrouver des types indiens purs, sauf dans l’extrême Sud ; les caciques qui posent complaisamment devant l’objectif des photographes, cavaliers un peu lourds sous leur poncho et leur chapeau haut de forme, sont presque tous des sang-mêlé. Au XIXe siècle, le Chili indépendant a reçu quelques contingens d’immigrés, Anglais et Nord-Américains, Allemands et Français ; les premiers arrivaient ordinairement seuls, les autres, souvent en famille ; or ces derniers mêmes ne résistent pas à l’absorption par le milieu chilien et, dès la deuxième génération, ne sauraient être en rien distingués des chilenos legitimos, Le bénéfice net de cette émigration ainsi digérée aura été sans doute pour le Chili la constitution d’une classe sociale qui lui manquait, une bourgeoisie, urbaine et rurale, entre l’aristocratie des hacendados et le peuple des peones, rudement maniés par leurs maîtres.

Comme pour toutes les autres républiques de l’Amérique latine, le premier siècle de vie autonome fut, pour le Chili, une période de formation ; le départ des gouverneurs et des