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encore. Ce n’est d’ailleurs pas le seul point sur lequel on se demande ce que fera l’Autriche, sans qu’on sache quelle réponse il convient de faire à cette question : de là une incertitude qui est le trait principal de la situation actuelle. Nous reviendrons dans un moment sur le problème austro-serbe : parlons d’abord des alliés balkaniques et des faits nouveaux qui se sont produits entre eux.

Les alliés et la Porte, n’ayant pas donné suite à la médiation des grandes puissances, se sont entendus directement et ont signé un armistice. Ici encore, il faut faire une exception : la Grèce a refusé sa signature, et la guerre continue nominalement entre la Turquie et elle. En fait, les hostilités, paraissent bien être suspendues partout ; on n’entend plus guère la voix du canon, et la seule conséquence jusqu’ici de l’attitude particulière de la Grèce est la continuation du blocus des côtes turques par sa flotte. On a même dit que cette attitude de la Grèce, loin de provenir d’une manière de voir différente de celle de ses alliés, provenait d’un accord avec eux, la prolongation de l’état de guerre entre la Grèce et la Porte n’étant une gêne que pour cette dernière. Il nous serait difficile de dire quelle est la valeur de cette explication où l’on reconnaît la subtilité d’Ulysse : elle n’a pas convaincu tout le monde, et l’opinion générale reste un peu hésitante sur la parfaite solidité de l’alliance entre les quatre États balkaniques. Sans doute elle subsiste ; rien ne serait plus imprudent que de la rompre et les alliés en ont tiré trop d’avantages pour y renoncer prématurément ; ce serait pour eux tous une cause de faiblesse dont les puissances qui y auraient intérêt ne manqueraient pas de profiter : comment croire que cette vérité n’apparaît pas aux yeux de tous ?

Néanmoins, la résolution prise par la Grèce a étonné et on continue de ne pas en comprendre l’intention véritable. On avait cru d’abord en trouver une explication dans le fait que la Porte avait revendiqué le droit de ravitailler les places assiégées pendant l’armistice, et que la Bulgarie avait paru disposée à y consentir : la Grèce, au contraire, tenait (essentiellement à ce que Janina, qu’elle espère prendre par la famine, si elle n’y réussit pas autrement, ne fût pas ravitaillée. Mais, finalement, la clause de ravitaillement n’est pas comprise dans les conditions de l’armistice, soit qu’on n’ait en réalité jamais consenti à l’y mettre, soit qu’on y ait renoncé devant l’opposition de la Grèce, et dès lors, on comprend mal l’attitude où celle-ci persiste. Il est hors de doute que des dissentimens se sont produits entre elle et la Bulgarie, — peut-être même, d’une manière plus générale, entre les alliés ; mais le fait n’est devenu public qu’entre la Bulgarie et la Grèce. Il s’est produit à