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village ; il en déplorerait la chute ; il veut seulement qu’on ne l’oblige pas à y entrer. À Dieu ne plaise qu’on exerce sur lui cette contrainte ! Mais ce n’est vraiment pas, par le temps qui court, le danger qui le menace, et il le sait bien. Si on allait au fond des âmes, on n’y trouverait pas seulement un regret de voir nos églises menacées de destruction, on y verrait encore l’appréhension de ce que l’événement, s’il se produisait, apporterait de trouble dans nos campagnes. Toute mal faite qu’elle ait été, la séparation de l’Église et de l’État n’en a provoqué aucun parmi nos populations rurales, qui n’en ont pas vu les conséquences lointaines. En apparence, rien n’a été modifié, les choses ont paru aller comme auparavant, les églises sont restées ouvertes, les offices y ont été célébrés, les habitudes cultuelles du pays n’ont souffert d’aucun changement brusque. Mais si les églises, qui sont restées ouvertes, viennent à tomber, il n’en sera plus de même, et c’est là ce qui préoccupe nos députés radicaux et libres penseurs. Qu’on leur donne un bon prétexte de les entretenir quelque temps encore et ils l’accepteront. Qu’on leur indique un moyen détourné d’en prolonger l’existence et ils s’y rallieront. M. Barrès leur a donné le prétexte et leur a indiqué le moyen ; mais il y a joint d’autres considérations qui les ont gênés. « Plus tard, a-t-il dit, bientôt, quand la poussière de la bataille, en retombant, laissera mieux voir à des esprits mieux reposés les nécessités de la vie française, un gouvernement causera avec Rome pour un règlement d’ensemble de la situation religieuse. » Voilà le grand mot lâché : quel en a été l’effet ? Autrefois il aurait soulevé des tempêtes ; aujourd’hui il n’y a eu, d’après l’Officiel, que quelques « interruptions à gauche. » Et toutes n’ont pas été dans un sens hostile. Comme M. Barrès insistait : — « À mon avis, disait-il, vous aurez un jour à régler l’ensemble du problème religieux, laissé indéterminé dans plusieurs de ses parties importantes par la loi de séparation, et ce problème, il saute aux yeux que vous ne pourrez pas le régler sans une conversation avec Rome. » — M. François Deloncle, qui est un radical, s’est écrié : « Tout le monde en convient, personne n’ose le dire, voilà la vérité. » M. Deloncle, lui, a osé le dire : c’est là un symptôme important. Bon gré mal gré, les esprits commencent à incliner de ce côté ; on y vient peu à peu, mais on y vient, et quand même elle n’aurait pas eu d’autre effet que de provoquer la manifestation de M. François Deloncle, il faudrait se féliciter hautement de l’intervention de M. Barrès.

Nous croyons comme lui qu’il faudra un jour causer avec Rome, et