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églises, avec leurs clochers qui dominent nos villages, font partie de la physionomie de la France ; il en est blessé aussi dans son âme, non pas de croyant peut-être, mais d’idéaliste, d’homme d’intelligence et de cœur qui estime, suivant la parole de l’Évangile, que nous ne vivons pas seulement de pain et qu’une société serait bien malade si elle se confinait tout entière dans la poursuite des intérêts matériels. L’humanité, condamnée par la loi du travail à se courber vers la terre, a besoin de regarder quelquefois du côté du ciel, et nos vieilles églises, avec les souvenirs qu’elles rappellent et les espérances qu’elles entretiennent, peuvent seules aujourd’hui, pour la grande majorité d’entre nous, donner satisfaction à ce besoin.

C’est ce que M. Maurice Barrès a dit à la Chambre dans un style qu’elle n’a pas l’habitude d’entendre, mais qu’elle sait apprécier. On a reproché à M. Barrès d’avoir mêlé deux questions différentes : celle de nos églises en tant que monumens plus ou moins artistiques, et celle de la situation anarchique créée par la rupture brutale du Concordat ; on a dit qu’il aurait obtenu plus facilement gain de cause sur le premier point, s’il ne l’avait pas confondu avec le second, et qu’il aurait dû parler seulement des pierres et des poutres qui constituent nos édifices religieux, au lieu de parler aussi des sentimens profonds qui s’y rattachent. Nous ne lui ferons pas, pour notre compte, un grief de n’avoir pas cherché seulement un succès parlementaire immédiat et d’avoir travaillé aussi pour l’avenir. À procéder autrement, il aurait peut-être obtenu le vote d’un ordre du jour qui, de la part de la Chambre actuelle, n’aurait jamais été bien expressif, mais où le gouvernement, dont les dispositions n’y sont pas défavorables, aurait pu trouver un encouragement à faire quelque chose de plus pour sauver nos églises. À procéder comme il l’a fait, il n’a obtenu qu’un ordre du jour pur et simple ; qui ne signifie rien. Il ne signifie rien, si l’on veut, si on s’arrête à la forme, au lieu d’aller au fond des choses ; mais, tel qu’il est, cet ordre du jour est un progrès sur ceux que la Chambre volait autrefois. Elle n’aurait pas manqué alors, comme on lui a d’ailleurs proposé de le faire aujourd’hui, de repousser dédaigneusement les objurgations de M. Barrès et d’inviter le gouvernement à appliquer strictement, c’est-à-dire durement, les lois existantes : et c’est ce que la Chambre n’a pas fait. Évidemment la thèse de M. Barrès ne lui déplaisait pas, si quelques-uns de ses mots l’ont piquée. Elle aurait voulu que M. Barrès entrât dans sa pensée pour en ménager les timidités. C’est ce que M. Sembat a fort bien expliqué. Ce socialiste libre penseur, mais homme de goût, aime à voir l’église de son