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Bordeaux, 12 janvier 1871.

A sa mère.

Nous sommes entrés dans une nouvelle crise, Elle est extrêmement sérieuse. Grâce à des efforts prodigieux nous pouvons tenir la lutte : elle éclate sur tous les points à la fois. Les allaires de l’Est sont bonnes. Si cela réussit, je crois à un résultat immense. Le bombardement de Paris fait jusqu’ici plus de bruit que de mal : mais cela excitera l’opinion, je l’espère. A Paris on n’en parait pas très ému.

Il ne faut pas se décourager : même si Paris tombait, nous serions en mesure de lutter. C’est par horreur de la guerre, que je désire que l’on pousse celle-ci jusqu’au bout.

Ma maison a pu recevoir quelques bombes.

Les gens qui seraient poussés au découragement devraient lire les journaux anglais ; lisez surtout un compte rendu de meeting à la dernière page du Times du II, — et aussi les autres journaux, Standard, Morning-Post. Ils verront comment nos voisins jugent et admirent ce que nous faisons. Si Jules Favre consent à sortir de Paris pour se Vendre à Londres, il y aura un accueil enthousiaste : je souhaite bien vivement qu’il y aille et nous revienne.


17 janvier 1871.

A sa mère.

Le bombardement de Paris a continué jusqu’au 12 seulement, dit-on ; je crois qu’il n’a pas fait de très grands ravages. Tant qu’il n’y aura pas d’incendies, il y aura beaucoup plus de bruit que de mal. Un Strasbourgeois avec lequel je me trouvais il y a quelques jours me disait que l’on exagérait beaucoup l’effet des obus. Mais il y a tout à craindre avec les états-majors prussiens. La défaite de Chanzy l’empêche de marcher sur Paris. Est-il possible de sortir de Paris sans une armée de secours ? Je ne le crois pas. J’ai toute confiance dans la bravoure de Trochu et de Ducrot ; mais je crois que jusqu’ici Trochu n’a pas pu et n’a pas dû sortir : il se serait exposé à se trouver en campagne, sans vivres, et entouré par des forces supérieures. Bref, nous sommes dans une crise très grave. Et il faut se serrer fortement les reins.