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insulaires, les autres européennes, les troisièmes africaines. Les trois gouvernemens de Madrid, de Paris et de Londres constataient leur intérêt commun à maintenir, dans ces régions, le statu quo territorial. Du point de vue strictement marocain, c’était une continuation d’ensemble des engagemens précédens.

Ainsi publiée et resserrée dans le domaine de la politique générale, la collaboration franco-espagnole au Maroc fut d’abord intime et constante. Solidairement, les deux gouvernemens s’employèrent à obtenir du Maghzen qu’il prit les mesures nécessaires à l’organisation de la police des ports. Solidairement, ils firent les démarches diplomatiques et arrêtèrent les dispositions navales propres à assurer une meilleure répression de la contrebande des armes. Solidairement, ils envoyèrent des croiseurs devant Mogador en septembre 1906, devant Tanger au mois de novembre suivant, après avoir obtenu l’adhésion des puissances. Avec une prudence extrême, la France et l’Espagne réussissaient donc à élargir peu à peu dans son objet et dans ses manifestations le mandat qu’elles avaient reçu, de l’Europe. Elles conciliaient leurs obligations internationales avec leur intérêt national. Leur union au cours des pourparlers multipliait leur autorité. Elles étaient l’une pour l’autre une garantie et s’assuraient une mutuelle caution. Il dépendait d’elles, en persévérant dans cette voie, de ménager les transitions et de s’acheminer de concert au but fixé en 1904.


II. — LA CRISE

Cette profitable unité ne devait pas, hélas ! se maintenir. Les deux pays en portent la responsabilité et, dans la juste satisfaction de leur intimité rétablie, ils peuvent aujourd’hui reconnaître qu’ils ont eu tous les deux des torts, l’Espagne en se laissant reprendre dès 1907 par des défiances injustifiées, la France en manquant dès 1909 au principe de solidarité défini en 1904.

Au début de juillet 1907 des ouvriers de diverses nationalités, dont plusieurs Français et un Espagnol, furent assassinés à Casablanca. La France ne pouvait manquer à la loi naturelle qui oblige toute grande puissance à protéger ses nationaux ou