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hommes allâmes qui mourront d’inanition s’ils ne trouvent pas de quoi se nourrir. On ne peut pas dire que des rentes, des actions, des obligations soient des objets de luxe : néanmoins, ce ne sont pas des objets de première nécessité. En tout cas, ils font partie de ceux dont l’acquisition peut, en général, être différée sans graves inconvéniens.

Dès lors, il est aisé de comprendre que des événemens politiques de nature à semer l’inquiétude ralentissent, dans une proportion qui peut être forte, les demandes de valeurs. Ce ralentissement se fera surtout sentir sur les titres des pays engagés dans une guerre, et, en première ligne, sur leurs rentes. Le motif en est double. Les dépenses qu’exige une campagne peuvent être telles que les belligérans aient de la peine à se procurer les fonds nécessaires à l’achat des approvisionnemens, des munitions, des armes ; et que, si même ils réussissent à réunir les ressources suffisantes à ces acquisitions, ils n’aient pas de quoi payer les coupons de leurs emprunts. On s’explique l’abstention des acheteurs. Les motifs qui écartent provisoirement ceux-ci du marché peuvent pousser les détenteurs à se défaire de leurs titres, qu’ils offriront à la Bourse sans rencontrer beaucoup de demandes. La baisse devient inévitable ; elle peut être brutale et affecter des allures de panique.

Le danger à cet égard est d’autant plus grand que, de nos jours, le contre-coup des événemens politiques qui se produisent dans un pays ou même dans un continent se fait immédiatement sentir dans le reste du globe. Les nations civilisées sont unies entre elles par tant de liens économiques que rien de ce qui se passe chez l’une d’elles ne laisse les autres indifférentes. Non seulement le système étendu des alliances politiques qui se nouent maintenant même au-delà des mers peut faire craindre que des nations, en apparence étrangères à l’objet direct du conflit, ne soient entraînées dans la lice. Mais il y a un tel enchevêtrement d’intérêts financiers, industriels et commerciaux que, sur le terrain économique, des secousses peuvent être ressenties même par des nations qui ne seront pas mêlées à la guerre. C’est l’effet du développement moderne des relations par-delà les frontières. Aussi est-ce sans surprise que nous lisons chaque jour, dans les bulletins de la bourse de New-York, que la tendance du marché dépend des nouvelles des Balkans.

Tels sont les premiers effets d’une guerre qui éclate. Mais