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retentissement contribue à semer l’inquiétude et à troubler la vie normale, même chez les peuples qui ont le moins de chances d’être entrainés dans la mêlée. C’est une analyse particulièrement intéressante en cette matière que celle de l’action réciproque des faits sur la Bourse et de la Bourse sur l’opinion publique. Tant de personnes possèdent aujourd’hui des valeurs mobilières, dans lesquelles les plus modestes épargnans l’ont des placemens, que le nombre des habitans d’un pays qui suivent avec attention les fluctuations quotidiennes du marché représente une fraction notable de la population. Leurs émotions se répercutent dès lors dans la masse. Celle-ci est conduite à juger les événemens politiques d’après les cours, à les croire particulièrement graves quand la cote s’effondre, et à reprendre confiance dès qu’elle se relève. C’est un problème de psychologie des foules qui se rattache à celui de la détermination des prix en général, dont il est un des cas les plus curieux à analyser.

Les cours de la Bourse ne sont pas autre chose que l’enregistrement des prix d’une marchandise, dont l’offre et la demande obéissent à des courans d’une nature spéciale. Les valeurs mobilières, et en particulier les fonds d’Etat qui s’y échangent, n’appartiennent pas à la catégorie des objets qui répondent à des besoins primordiaux des hommes, et que ceux-ci réclament en tout temps, indépendamment des circonstances politiques, comme les denrées alimentaires, les combustibles ou les vêtemens. De ces derniers, l’humanité ne saurait se passer. L’étendue et la régularité des transactions auxquelles ils donnent lieu font que les prix n’en subissent généralement pas de fluctuations violentes, sauf circonstances exceptionnelles et locales. On comprend par exemple que, dans une ville assiégée, se produise une cherté anormale des vivres. Mais, en dehors de cas spéciaux, les cours des céréales, de la viande, et des autres objets d’alimentation dépendent des récoltes d’une part, des besoins des consommateurs de l’autre : de ces deux facteurs, le premier est de beaucoup le plus variable, et c’est donc lui, en dernière analyse, qui est déterminant. Mais en matière de valeurs mobilières, rien de semblable : Bien que, dans le monde moderne et chez certaines nations en particulier, des habitudes enracinées d’épargne et d’achat de fonds publics permettent de parler d’une consommation courante de titres, oh ne saurait assimiler des capitalistes en quête de placemens à des