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Conseil, qu’il donna son assentiment au projet qui lui fut soumis et qu’il en permit l’expérience, d’abord dans le Berri, puis dans le Dauphiné, et peu après dans la généralité de Montauban[1]. Les résultats furent jugés excellens, si bien que, le 19 mars 1780, une nouvelle ordonnance établissait une quatrième assemblée provinciale, qui devrait siéger à Moulins et régirait le Bourbonnais, la Marche et le Nivernais. Au point de cette étude où nous sommes arrivés, l’affaire était encore pendante et l’ordonnance n’avait pas reçu force de loi. L’intendant de Moulins, le sieur Guéant de Réverseaux, résistait de tout son pouvoir, et le parlement de Paris opposait mille difficultés à l’enregistrement. Vaincre et réduire ces mauvaises volontés était, à l’heure présente, un des pressans soucis du directeur général des finances.


VIII

Le mémoire où Necker avait développé les idées que j’ai résumées tout à l’heure avait été remis au Roi par son auteur en février 1778. Ecrit uniquement pour Louis XVI et strictement confidentiel, il renfermait certains passages où Necker s’était exprimé avec la liberté permise dans un entretien tête à tête. Il s’y trouvait notamment des critiques fort vives contre les intendans : « A peine, disait Necker, peut-on donner le nom d’administration à cette volonté arbitraire d’un seul homme, qui, tantôt présent, tantôt absent, tantôt instruit, tantôt incapable, doit régir les parties les plus importantes de l’ordre public, qui ne considère sa place que comme un échelon à son ambition et un lieu de passage… » Et il montrait les intendans « plus impatiens de venir à Paris qu’occupés de faire leur devoir, » et laissant souvent la besogne à des commis, à des subdélégués, « timides devant les puissans et arrogans envers les faibles. »

Mais l’endroit le plus incisif, le plus dangereux aussi, de ce curieux mémoire était celui où le directeur général démontrait l’avantage qui résulterait pour le Roi, en cas grave et urgent, et lorsqu’il s’agirait d’obtenir sans retard des subsides extraordinaires, d’avoir affaire à ses assemblées provinciales, plutôt qu’aux parlemens, toujours chicaneurs ou rétifs. Il rappelait

  1. Ordonnances des 12 juillet 1718, 17 juillet et 26 novembre 1779.