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de ne pas être suffisamment pénétré de cette vérité élémentaire. Et c’est ce que lui reproche M. Duhamel. Car il le lui reproche. Robert Bailly a beau être le héros de la pièce ; il en est aussi le « personnage antipathique. » J’aurais souhaité que le caractère haïssable de ce « mauvais jeune homme » fût davantage souligné. En lui administrant ici et là une vigoureuse volée de bois vert, l’auteur aurait empêché le public d’hésiter sur le sens de la pièce, et il aurait dissipé l’impression de gêne que produit parfois cette œuvre un peu incertaine d’allure, et de signification non pas obscure, mais enveloppée. Non, M. Duhamel n’approuve, n’aime, ni ne plaint ce jocrisse en fureur ; mais, quand même, il a cru qu’il valait la peine d’être étudié : il méritait tout juste d’être fouetté, comme on fait en Angleterre pour les apaches. Et il n’était pas nécessaire que l’exécution eût lieu en public.

On voit assez, par l’analyse que je viens d’en faire, que cette pièce est loin de m’avoir paru sans valeur. Elle a pour elle ce mérite : d’exister. C’est le fonds qui manque le plus à beaucoup d’autres que le public acclame comme la presse les encense. M. Duhamel est un écrivain de talent, même de ce talent qui est spécialement celui de l’auteur dramatique. Il resterait à savoir ce que vaudrait ce talent appliqué à un sujet moins violemment exceptionnel. J’espère vivement que M. Duhamel nous donnera quelque jour l’occasion d’en juger.

Dans l’ombre des statues a trouvé d’excellens interprètes en M. Jean Hervé, qui a assumé la tâche peu commode d’incarner le déplaisant Robert Bailly, M. Vilbert, qui est un conseiller Treuillebert fort comique, et surtout M. Desjardins, qui a fait du bon et solennel Alain Mostier une création semi-caricaturale dans une très juste mesure. Les rôles de femmes, un peu sacrifiés, sont bien tenus par Mmes Van Doren et Blanche Albane.


L’Odéon vient de donner une série de représentations du Malade imaginaire, qui a obtenu un très brillant succès et qui le méritait. M. Antoine a voulu nous présenter la pièce de Molière telle que Molière l’avait fait jouer et que les contemporains l’ont vue, c’est-à-dire avec l’accompagnement de musique et de danses que comportait cette comédie-ballet. Nous avons entendu le prologue chanté par la bergère ; nous avons vu Polichinelle et les Égyptiens dansant, tout comme les apothicaires dans la cérémonie que le præses égaie de son latin macaronique. Et nous avons goûté ce divertissement d’archéologie théâtrale. Ces restitutions sont assurées de plaire, chaque fois qu’un