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de France a délivré son millième brevet de pilote-aviateur.

Jusqu’en 1910, l’aéroplane n’était sorti que rarement des expériences, concours et spectacles des aérodromes. En 1911, après quelques heureuses tentatives, il prit possession de l’air libre et des vastes étendues. C’est l’année de la course Paris-Madrid, des circuits Paris-Rome-Turin, de l’Europe occidentale, et du tour de l’Angleterre, tous trois gagnés par M. Conneau, enseigne de vaisseau (sous le nom de André Beaumont). Ce fut aussi l’année où le sentiment public en France découvrit la valeur de l’invention nouvelle comme instrument de la défense nationale. Le regard dont on suivait ces grands oiseaux planant sur les villes et les campagnes refléta moins de curiosité et plus de patriotique émotion. C’est pourquoi, quand en février 1912, une souscription fut ouverte, sur l’initiative de la presse parisienne, en faveur de l’aviation militaire, une somme de plus de 3 millions fut, en quelques semaines, offerte au gouvernement.

Cet acte de générosité collective avait une signification exceptionnelle, car de pareils élans ne sont à l’habitude que l’expression d’une pensée charitable. On voit rarement les citoyens s’unir pour apporter à l’Etat des subsides volontaires. C’était le mettre en demeure d’utiliser l’arme nouvelle, et lui dire : « Vous pouvez nous demander ce qui sera nécessaire ; mais comme le temps presse, voici 3 ou 4 millions qui faciliteront la mise en train[1]. »

Il ne fut pas question de l’aviation navale.

Le ministère de la Guerre n’avait pas attendu cet encouragement pour s’intéresser à l’aviation. Mais, indécis entre les partisans du dirigeable et ceux de l’aéroplane, sollicité par les avocats du biplan et ceux du monoplan, hésitant entre les prétentions rivales des corps du génie et de l’artillerie, il ne prit d’abord que de timides mesures. A la fin de 1911, le plan d’organisation n’était pas tracé, et l’armée possédait en tout 170 aéroplanes, de modèles très divers, dont un bon nombre, faute d’entretien convenable, n’étaient pas en état de servir. Une somme de 800 000 francs, destinée à l’achat de nouveaux appareils, figurait modestement dans le maigre budget (7 200 000 francs) de l’aéronautiqu’ militaire, pour l’année 1912.

  1. Une souscription nationale ouverte en Allemagne peu de temps après la souscription française, en faveur de l’aviation militaire, a produit 7 millions et demi.