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autant qu’ils peuvent atténuer les défauts ou l’insuffisance des instrumens actifs déjà créés. Expliquons-nous par un exemple.

L’inscription maritime en France met à la disposition de la flotte environ 50 000 réservistes, tous marins ou l’ayant été. Mais ces inscrits de la réserve, en très grande majorité, ne possèdent pas l’instruction nécessaire au service de nos escadres ou escadrilles en temps de guerre ; et c’est de spécialistes, en canonnage, signaux, torpilles, télégraphie sans fil, électricité, etc., que la marine aura besoin. Elle ne pourra donc utiliser qu’une faible fraction de ses réserves (3 000 à 4 000 au plus). En n’adoptant pas, après la loi de 1905 sur le service de deux ans dans l’armée, une loi répondant aux besoins de la flotte, les Chambres et le gouvernement ont méconnu le principe de la meilleure utilisation des élémens qu’on possède. Ils ont négligé la stratégie de la paix.

Rapprochons-nous des circonstances de guerre, et bientôt apparaîtra le rôle de l’aviation navale. Mais avant de nous livrer à des conjectures, si probables qu’elles puissent être, il faut d’abord établir les situations de fait.

Les journaux et les revues publient fréquemment des informations concernant les flottes étrangères. Le nombre des dreadnoughts qu’elles possèdent ou posséderont bientôt nous devient familier. On fait connaître aussi le nombre des canons et leurs calibres, la vitesse de ces bâtimens, l’épaisseur de leurs cuirasses, etc. D’intéressantes dissertations accompagnent ces renseignemens, mettant en évidence la supériorité de telle flotte sur telle autre, ou sur la flotte française. Ces déductions ne sont pas sans valeur, puisqu’elles se fondent sur les seules données qui soient comparables entre elles. Il est cependant hasardeux d’opposer ainsi la totalité d’une force à la totalité d’une autre, comme si elles devaient fatalement se rencontrer au large en une bataille décisive, et d’attribuer par avance la victoire à la supériorité du nombre.

La supériorité numérique, — ou plus exactement la supériorité matérielle et mesurable, — n’est qu’un élément du succès ; et les annales de notre marine prouvent qu’il est rarement le principal, si la différence des forces n’est pas énorme. D’autre part, le rôle de plus en plus complexe des forces navales ne se réduit pas au duel entre flottes de haut bord. Diverses raisons, que nous n’avons pas le loisir de développer ici, rendent