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absolument inconnu à l’époque où Pasteur en a atténué la virulence et en a fait l’agent d’une puissante et très efficace vaccination.

La rage est une maladie virulente, transmissible par inoculation, toujours produite chez l’homme par la morsure d’animaux enragés, tels que le chien (surtout), le chat, le loup (et, dans les carnassiers sauvages : renard, chacal, hyène…). Les morsures de loups sont particulièrement dangereuses à cause de la profondeur et de la multiplicité des morsures. La rage est aussi observée chez certains herbivores (cheval, âne, bœuf, mouton, chèvre), qui « d’ordinaire mordent rarement, mais deviennent capables de le faire dans les paroxysmes de la rage furieuse et se transmettent ainsi le mal les uns aux autres. »

Sur cent et quelques mordus, traités, de 1887 à 1896, à l’Institut Pasteur, 92 avaient été mordus par un chien ; 5> par un chat ; les autres par un loup, par un bœuf, une vache ou un veau ; par un âne ou un mulet et par un cheval. Il est difficile de déterminer le nombre des cas de rage déclarée, par rapport au nombre des mordus. De diverses statistiques, Ménétrier conclut qu’il y avait (avant le traitement Pasteur) quinze à seize cas de rage sur cent sujets mordus. Pour que l’inoculation ait lieu, il faut que la bave de l’animal enragé pénètre sous la peau de l’homme mordu, soit par une plaie ou excoriation antérieure, soit par la plaie de la morsure elle-même.

La terminaison habituelle de la rage est la mort. Peut-être a-t-on observé, depuis le traitement pastorien, des cas de rage fruste qui ont guéri (Laveran, Roux, Chantemesse) grâce à la vaccination antirabique ; mais, avant la découverte de Pasteur, tout homme atteint de rage pouvait être considéré comme un homme mort. On voit l’importance qu’il y avait à trouver un vaccin antirabique, un moyen de préserver l’homme de cette effroyable maladie.

Seulement ici une nouvelle difficulté surgissait : contre la variole, contre le choléra des poules, contre le charbon, on vaccine le sujet sain, non seulement avant toute manifestation de la maladie à éviter, mais même avant toute pénétration du virus dans l’organisme. Pour la rage, il n’en est plus de même : on ne peut faire agir le vaccin que sur l’individu déjà mordu, c’est-à-dire chez un sujet, qui ne présente certainement encore aucune manifestation de la rage, mais qui a déjà reçu le virus rabique dans son milieu intérieur.