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personnes dans tout l’empire allemand, tandis que, à la même date, le chiffre des décès varioliques était cinquante-six fois plus élevé en France, soixante fois plus en Autriche et quatre-vingt-dix-sept fois plus en Italie.


III

La vaccination jennérienne antivariolique est un procédé essentiellement scientifique. Mais ‘comme il a eu un point de départ empirique et tout particulier, ce procédé reste propre à la variole ; il est impossible de le généraliser et de l’appliquer aux autres maladies infectieuses. La vaccination pastorienne au contraire, scientifique et rationnelle dans son point de départ comme dans ses développemens, est une méthode essentiellement générale et applicable à toutes les maladies infectieuses.

De tout temps, les cliniciens ont connu les virus, c’est-à-dire les agens de transmission des maladies infectieuses ; mais, si on connaissait leur existence, on ne connaissait pas leur nature. Pasteur (c’est la première partie de son œuvre immense) a démontré que ces virus étaient des microbes, ou, ont ajouté avec raison ses élèves, les toxines (poisons) sécrétées par ces microbes.

Les cliniciens savaient aussi, anciennement, que ces virus donnent, à l’homme qu’ils rendent malade, l’immunité vis-à-vis d’eux-mêmes ; on pouvait penser dès lors que l’inoculation des microbes ou des toxines, qui constituent les virus, conféreraient l’immunité chez les sujets auxquels on les inocule. Mais cette immunité n’était conférée au sujet qu’à condition de le rendre malade : scientifiquement, on ne concevait, avant Pasteur, d’autre moyen de prévenir la rage, la diphtérie ou la fièvre typhoïde, que de donner au sujet bien portant la rage, la diphtérie ou la fièvre typhoïde. C’était l’extension à toutes les maladies infectieuses de procédés analogues à la variolisation ; personne n’y pouvait penser sérieusement à cause des dangers que cela eût fait courir au sujet.

C’est là que se place la seconde grande découverte de Pasteur : il a démontré qu’on pouvait atténuer les virus dans des conditions telles que ces virus ne donneraient plus la maladie correspondante, mais conféreraient l’immunité pour cette maladie. Il a établi scientifiquement les règles pour préparer des virus atténués, qui ne sont plus pathogènes et qui sont