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ensemble de moyens propres à nous garantir d’un grand nombre de maladies infectieuses comme la rage, la diphtérie, le charbon, la peste… et, d’après les derniers travaux, la fièvre typhoïde, qui fait tant de ravages chez nos jeunes gens et enlève au pays, tous les ans, tant de forces vives et fécondes.

C’est à l’Ecole française, à Pasteur et à ses élèves, qu’est due la création de ce chapitre des vaccinations, chapitre qui est désormais essentiellement scientifique et rationnel dans son point de départ comme dans ses applications à la clinique humaine de tous les jours.

Ce qui caractérise ce procédé de défense de l’organisme et le différencie des autres procédés, antérieurement connus, c’est que, dans les autres moyens de prophylaxie, on agit hors de l’organisme (sur les vecteurs de l’agent infectieux ou sur l’agent infectieux lui-même), tandis que, dans la vaccination, on s’adresse à l’organisme de l’homme que l’on veut préserver : on lui inocule un vaccin, virus atténué ou antagoniste, qui provoque l’organisme humain à se mettre en état de défense, qui l’immunise, comme disent les médecins, qui l’empêche d’accueillir et de cultiver ultérieurement ce microbe, qui empêche l’homme de devenir malade de cette maladie ; car à chaque maladie correspond un vaccin différent, qui ne préserve l’homme que de cette maladie particulière : chaque vaccin est spécifique.


I

Les premiers essais d’immunisation préventive ou de vaccination contre les maladies infectieuses ont été inspirés par ce fait, constaté depuis bien longtemps par les médecins, que certaines maladies confèrent, à ceux qui en sont atteints, l’immunité ultérieure pour cette même maladie : ainsi, il est tout à fait exceptionnel que le même sujet ait, comme Louis XV[1], la variole deux fois ; il est très rare que le même sujet ait la diphtérie deux fois ; il est peu fréquent que le même sujet ait la fièvre typhoïde deux fois…

En d’autres termes, avec des différences d’intensité et de durée très nettes suivant les espèces morbides, un grand nombre

  1. Il est bien établi que Louis XV a eu la petite vérole en 1728 et en 1774, malgré le mot cruel du supérieur île Saint-Sulpice : « Il n’y a rien de petit chez les grands. » (Docteur Cabanes.)