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faire appel à leur courage raisonnable, voilà ce que tous attendent. Dès qu’ils sont entrés dans le Nil, leurs yeux ont fouillé la rive droite, mais en vain. Maintenant que l’incertitude d’atteindre Fachoda ne les obsède plus, elle est remplacée par l’incertitude de s’y maintenir, et le Journal résume, le 30 juillet, la pensée commune : « Verrons-nous venir de l’Est les Abyssins nos amis et nos alliés ? Ou bien le Nord nous enverra-t-il des ennemis, les Derviches, ou des compétiteurs, les Anglais ? »

Or, contre les compétiteurs ou les ennemis, la troupe française est non seulement seule, mais réduite à la moitié de son effectif. L’autre moitié, avec l’artillerie, s’avance, mais bien loin encore, sur le Faidherbe. Si le vapeur avait rejoint, la Mission courrait du moins ses chances avec toute sa force, et lui, battrait les bords du Nil et remonterait le Sobat, le plus important des fleuves qui viennent des montagnes amies, pour apprendre aux alliés attendus notre impatience et apporter de leurs nouvelles. Mais « le Faidherbe arrivera-t-il ? pourra-t-il traverser le marais ? » Sans lui, il faut attendre, encore attendre, et avec le supplice des bonnes nouvelles qui se murmurent et qu’on ne peut vérifier. Car, à plusieurs reprises, des rumeurs se répandent que les Abyssins parcourent la rive droite. Mais le fait n’est jamais rapporté par un témoin qui les ait vus. Des lettres pour Ménélick sont confiées à des indigènes qui tentent de joindre les frontières abyssines, mais aucun ne revient. D’autres rumeurs annoncent les Derviches qui, occupant toujours Khartoum, remontent le fleuve pour se ravitailler, et doivent connaître la présence des Français. Ce sont en effet les Derviches qui viennent les premiers.

Le 25 août, deux petits vapeurs et cinq chalands que ceux-ci remorquent sont signalés. Quand cette flottille s’approche, on distingue qu’elle est chargée à pleins bords de troupes, on évalue leur masse entassée à quinze cents ou deux mille hommes avec de l’artillerie. La défense n’a pas un canon et compte quatre-vingt-dix-neuf hommes, et que d’abord il faut diviser, car on ignore si l’on sera attaqué parterre. Par bonheur, les Derviches ne débarquent pas et, tandis qu’ils continuent à remonter le Nil, tous nos tirailleurs rassemblés garnissent les défenses qui font face au fleuve. Avant d’arriver à hauteur de la place, les pièces des navires ouvrent un l’eu inefficace auquel les Mahdistes