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leur travail de progrès. On n’a pas assez compris en Europe quel trouble les réfugiés macédoniens ont apporté dans la vie de la Bulgarie ; cette population flottante y a entretenu une perpétuelle inquiétude ; ces exilés, arrivés sans ressources, ne trouvaient pas aisément leur place dans les cadres normaux d’une société composée en grande majorité de petits propriétaires ; ils formaient à la surface de la nation une sorte de prolétariat intellectuel, et ces persécutés devenaient facilement des aigris parmi lesquels la propagande anarchiste recrutait des adeptes. Les Serbes de la Vieille-Serbie étaient, dans des proportions plus restreintes, une charge de même nature pour les Serbes du royaume, les Albanais fugitifs pour les Monténégrins, et les Crétois pour les Grecs. Sans parler de la communauté de sang et de religion, le droit des petits pays de se préoccuper de l’État intérieur de la Turquie et de revendiquer la faculté d’y intervenir résultait donc, pour eux, des souffrances et des charges qu’ils avaient à supporter par suite du mauvais gouvernement de l’Empire Ottoman.

C’est dans l’espoir que le gouvernement deviendrait meilleur, que les Etats chrétiens des Balkans ont accueilli avec faveur la révolution de 1908-1909 et en ont favorisé, tant qu’ils ont pu, le succès. Leur désir de vivre en bonne intelligence avec le grand empire voisin est prouvé par les voyages des rois Ferdinand et Pierre à Constantinople, par les négociations entamées avec la Porte pour la construction de chemins de fer, par le caractère même et les idées des hommes d’Etat qu’ils ont mis à la tête de leurs gouvernemens. M. Ivan Guéchof, président du Conseil des ministres bulgares, est aussi notoirement un ami de la paix que le roi Ferdinand lui-même ; il passait, non sans raisons, pour partisan d’une entente avec la Turquie. Cette même politique était pratiquée par M. Milovanovitch, et, après la mort prématurée de cet éminent homme d’Etat, par M. Pachitch. La Serbie trouvait dans les ports de l’Empire Ottoman un débouché pour son commerce et des facilités de transit qui lui étaient refusées du côté austro-hongrois. Son intérêt, dont elle était parfaitement consciente, l’engageait à entretenir de bonnes relations avec la Turquie. La Grèce avait besoin d’achever la réorganisation de son armée ; son gouvernement avait cru longtemps qu’elle aurait avantage à pratiquer une politique d’entente avec les Turcs qui, en Macédoine, s’accommodaient plus