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cavalerie. Un des nôtres, le vieux comte de la Guiche, emporté par son cheval, fut capturé. Luckner fut reconduit à coups de canon jusqu’au-delà du Wetter. Condé détacha à la poursuite, outre les dragons et les troupes légères, la brigade d’infanterie du Limousin et celle de Berry-cavalerie. Elles firent beaucoup de prisonniers et s’emparèrent de plusieurs caissons de munitions. L’ennemi ayant rompu les gués du Wetter, la poursuite dut s’arrêter là. Arrivé au secours de son neveu, le duc de Brunswick recueillit les fuyards. La réserve du Bas-Rhin campa derrière le ruisseau de l’Ulzbach.

C’est à l’initiative du prince de Condé, encore isolé et à peine soutenu à distance par l’arrivée de l’avant-garde des maréchaux, que fut due la victoire de Johannisberg. En dirigeant ses têtes de colonnes sur le plateau de la tour, il avait mis dans sa marche une célérité et une précision qui n’avaient pas laissé aux Allemands le temps de faire intervenir leur second échelon. Le champ de bataille lui resta. Il était couvert de cadavres : 1 500 morts ou blessés, du côté des Français ; les Hanovriens et Anglo-Prussiens avaient amené là près de 80 000 hommes, dont l’avant-garde seule avait été engagée sérieusement ; elle avait donné à fond, mais n’avait pu vaincre la résistance de M. de Lévis. Elle avait perdu 1 étendard, 10 pièces de canon, environ 500 hommes tués, 1 000 à 1 100 prisonniers et beaucoup de blessés. Le combat s’était prolongé de neuf heures du matin à cinq heures du soir. Les dragons de Schomberg firent un butin si considérable qu’on l’estima à 100 000 écus. Cela fut vite gaspillé. Aux représentations de leurs officiers, les dragons, qui faisaient bombance, se contentèrent de répondre : « Si nous sommes tués, notre argent serait perdu ; mieux vaut s’en bien faire honneur. » Rien n’était assez cher pour eux. Ils payaient aux Allemands dans leurs bivouacs six francs une bouteille de vin.

La réserve du Bas-Rhin campa dans la plaine de Friedberg à côté de l’armée des maréchaux. Le 4 septembre, les dragons de Schomberg occupèrent encore le plateau de Johannisberg ; le 12, ils étaient à Marbourg, capitale de la Haute-Hesse.

M. de Boisgelin, colonel du régiment de son nom, fut chargé par le prince d’aller porter au Roi l’étendard pris sur les ennemis, ainsi que le détail du combat, et partit la nuit même. C’est par une lettre fort simple que Condé annonçait sa jolie victoire à Versailles. « Le Prince héréditaire, écrivait-il, vient d’être