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par le prince Ferdinand et par Luckner, dont les colonnes d’attaque ont pris la tour pour objectif. Il fait bonne contenance avec ses troupes légères sur sa forte position défensive. À ce moment, Condé, qui s’est rapproché de son avant-garde, a comme une illumination soudaine du champ de bataille. Il lui faut écraser les têtes de colonnes ennemies (une dizaine de bataillons), avant qu’elles puissent être soutenues par le gros des Hanovriens qu’on voit déboucher au loin.

Pour renforcer M. de Lévis, la brigade d’infanterie de Boisgelin est la première arrivée à la rescousse, aidée des régimens de Narbonne, Le Camus, d’Argentré et de la réserve de Stainville. Condé lui prescrit de se former en bataille devant le bois. Le marquis de Lévis redouble de résistance. La brigade d’Orléans a essuyé par trois fois le feu de l’aile gauche ennemie, qui a pris une position de flanc, avec de la cavalerie. La troupe française se venge à la baïonnette et perce jusqu’à la deuxième ligne hanovrienne en terrassant la première. Elle prépare ainsi le succès des brigades suivantes, Limousin et Anhalt.

Mais voici le renfort : le régiment de Boisgelin s’avance, l’arme au bras, sans tirer, sous le commandement du comte de la Guiche, un vieux maréchal de camp à cheveux blancs, qui guide sa troupe à pied, l’épée à la main. « Il n’est pas possible, dit un témoin, d’aller au combat avec plus d’empressement et de gaîté que ces braves gens[1]. » Ils reçoivent la décharge ennemie sans se disloquer. Condé forme ses grenadiers royaux en colonne, leur donne l’ordre de ne charger qu’à la baïonnette, et les lance sur l’ennemi en se mettant à leur tête. La crête des bois est enlevée. Les Hanovriens, qui escaladent la hauteur, sont culbutés du plateau en une demi-heure, chassés du bois, rejetés en désordre dans la plaine. Condé les presse trop vivement pour leur donner le temps de se rallier, sous la protection de la cavalerie prussienne postée près de Niedermerle. Le canon atteint l’ennemi dans la poursuite et lui fait beaucoup de mal. Sa cavalerie détache le régiment de dragons anglais Elliot, qui s’avance au galop comme une trombe aux abords de Niedermerle, passe sur le ventre des hussards de Conflans, jette sur le bord d’un ravin les dragons de Schomberg, mais est arrêté dans son élan

  1. Mémoires du baron de Tricornol, officier de la réserve de Condé, témoin et acteur du combat. Communiqués par la famille à laquelle j’en exprime mes remerciemens.