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Toute la Cour de France, à la nouvelle de la mort de la princesse de Condé, se mit en larmes et prit le deuil. Sa disparition causait une consternation générale. On se répétait en s’abordant à Versailles le mot de Bossuet : « Madame se meurt, Madame est morte. » On songeait au malheur du prince de Condé qui, au milieu des combats, au-delà des frontières, n’avait pas eu la consolation de fermer les yeux à une si jeune épouse. Cette perte, qu’il ressentit vivement tout d’abord, venait assombrir la période la plus glorieuse de sa vie.


II

Condé, malgré le grand malheur qu’il venait d’éprouver, ne voulait pas résigner ses fonctions militaires, au moment où la France, battue et menacée par le contre-coup des victoires prussiennes, réclamait la présence aux armées de ses généraux les plus capables et les plus énergiques. Il espérait ainsi noyer son chagrin dans les obligations quotidiennes de son métier en campagne. Les maréchaux Broglie et Soubise avaient remplacé Contades en Allemagne. C’est sous leurs ordres directs qu’il allait manœuvrer désormais, commander la cavalerie, faire la petite guerre. Parfois ses mouvemens hardis fixent le point d’attaque dans les rencontres. En dépit de son rang, il sollicite comme une faveur des missions subalternes qui lui permettent de se signaler personnellement. Il achève ainsi de se faire la main pour de plus grandes occasions.

Le 10 juillet 1760, on trouve le maréchal de Broglie gravissant avec lui la hauteur de Corback. Sous les ordres de Condé figurent comme maréchaux de camp : le prince de Rohan et M. de la Mortière ; comme brigadiers : MM. de Rosambo et de Boisclairin. Dans cette journée heureuse, une éclaircie, au milieu de nos sombres défaites, les deux maréchaux luttent victorieusement contre des forces supérieures.

Le prince avance à la tête des grenadiers et des chasseurs ; il pousse les ennemis avec tant de vivacité qu’à peine ont-ils le temps de retirer leur canon à force de bras. Tandis que Broglie et Condé donnent leurs ordres côte à côte, un projectile d’artillerie fait sauter près d’eux plusieurs caissons de munitions ; l’un et l’autre sont renversés par les attelages affolés. Ils se remettent en selle, tout meurtris et, dans la poursuite, Condé