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pour cela ; mais en voici un autre membre bien différent : un homme d’église, le comte de Clermont, « petit collet ecclésiastique, » frère de M. le Duc et du comte de Charolais, qui a obtenu l’honneur de se voir à la tête de l’armée et qui va la perdre, tout en compromettant le prestige militaire des Condés. Sans entrer dans le détail de la bataille de Crefeld qu’il a maladroitement livrée, arrêtons-nous un instant sur ce nouveau prince, pour mieux faire ressortir les qualités martiales du neveu par les défaillances de l’oncle.

Clermont venait de remporter un succès d’un autre genre en 1754 ; mais il ne le devait pas à son mérite. Le rang seul du a sa naissance avait milité en sa faveur, pour le faire recevoir à l’Académie française, et le public, moins indulgent que ses nouveaux confrères, ne s’y était pas trompé, il lui avait décoché cette épigramme :


Trente-neuf unis à zéro.
Si j’entends bien mon numéro,
N’ont jamais pu faire quarante ;
D’où je conclus, troupe savante,
Q’ayant à vos côtés admis
Clermont, cette masse pesante,
Ce digne cousin de Louis,
La place est encore vacante.


Clermont se rendit compte de son insuffisance littéraire et siégea peu parmi ses confrères. Il ne fut pas plus brillant à la guerre. Il se fit battre honteusement à Crefeld, pour n’avoir pas voulu suivre les conseils de son jeune neveu, le prince de Condé, qui, bien que simple maréchal de camp, avait déjà sur la tactique des idées très nettes ; et ceux du comte de Saint-Germain, le meilleur général de l’état-major, un passionné disciple de l’école du grand Frédéric. S’ils eussent eu l’oreille de leur chef, ces deux auxiliaires perspicaces auraient pu contrebalancer sa défaillance et son manque d’initiative ; mais souvent les généraux médiocres repoussent les bons avis, de peur de s’amoindrir, étouffant ainsi inconsciemment la lumière qui leur est offerte ; heureux si l’événement ne vient pas leur prouver ensuite qu’ils ont eu le tort de la mettre sous le boisseau. Ce fut la leçon de la journée de Crefeld.

Le comte de Clermont était campé sur la rive gauche du Rhin ; dans une position favorable, la droite au fleuve, le centre