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de Condé, il n’eut qu’à continuer la poursuite commencée par d’Estrées, pour acculer Cumberland à l’embouchure de l’Elbe ; il réussit ainsi à le faire capituler, avec toute son armée. La convention de Closterseven fut célébrée en France comme un triomphe décisif. Plus perspicace que le public, Condé jugea que le pacte, garanti seulement par le Danemark, serait violé, dès que les Anglais pourraient le faire, et il n’hésita pas cette fois à blâmer à sa table la condescendance du maréchal de Richelieu pour le représentant du Cabinet de Copenhague[1].

Sa bonne étoile, qui semble l’avoir accompagné partout, dans cette première partie de sa vie, lui permit de ne pas figurer à la fatale journée de Rosbach, et c’est avec un double chagrin qu’il apprit la défaite du général en chef, Soubise étant le père de sa femme. Condé, en connaisseur, eût préféré que son beau-père ne fit point la guerre ; il l’y trouvait insuffisant. Le prince de Soubise avait des qualités de bonne grâce. Ses défauts de galanterie excessive étaient ceux de son temps. Sa bravoure était non moins incontestable. Mais, chez un commandant en chef, le courage ne remplace pas la maîtrise. Son coup d’œil inspirait peu de confiance. C’est lui peut-être que visait Mme de Pompadour, dont il était cependant le protégé, lorsqu’elle écrivait : « Il faut qu’un grand homme qui veut se rendre utile à sa patrie cède à la prévention publique. » Or cette prévention n’était guère favorable à M. de Soubise.

Il insista cependant pour obtenir un autre commandement. On retrouve le maréchal prêt à prendre sa revanche à la campagne de 1758. Cette année-là, il est plus heureux ; il harcèle l’ennemi dans une dizaine d’engagemens, jusqu’à ce qu’il l’ait battu à Hetzelberg. Cette fois, Condé, qui vient d’être promu maréchal de camp, combat aux côtés de son beau-père. Il fait preuve aux yeux de l’armée, dans cette rencontre, d’autant de sang-froid que de sagacité militaire.

De telles qualités, jointes à l’activité de son âge, le rendaient surtout propre aux opérations de la petite guerre. C’était un véritable officier de cavalerie légère, et rien ne sied mieux que ce genre d’aptitude à un prince-soldat. Elle fait partie de ses élégances. Que ne fut-il le seul de la maison de Condé à se pousser ainsi peu à peu vers le commandement suprême ! Il était né

  1. Chambellan, Histoire du prince de Condé.