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Le mariage fut très solennel. La lecture du contrat se fit dans l’Œil-de-Bœuf à Versailles, et la cérémonie fut célébrée le 3 mai 1753 dans la chapelle du château, par les soins d’un parent, le cardinal de Soubise, grand aumônier du Roi. Au couvert de la famille royale réglé par M. de Brézé, maître des cérémonies, la nouvelle princesse de Condé eut l’honneur de s’asseoir, à l’exclusion de son époux ; la sévère étiquette exigeant, pour qu’un prince mâle prenne part à un banquet royal, en présence de la Reine, que ce prince ait le titre d’Altesse Royale. Or Condé n’avait que celui d’Altesse Sérénissime. Fête nocturne autour du grand canal à Versailles. Promenade sur l’eau des jeunes époux dans un yacht aux armes des Condés, entouré de vingt-quatre gondoles pavoisées et éclairées par des pots à feu et des lanternes : rien ne fut négligé dans les réjouissances nuptiales pour le plaisir des yeux et le charme des cœurs.

Quand la Cour fut rentrée au château, le Roi donna la chemise au marié, sur la présentation de M. d’Anlezy, gouverneur du prince de Condé ; la Reine la donna à la mariée. Le lendemain de la noce, le jeune couple partit pour Chantilly où l’attendaient de nouvelles fêtes. Tables dressées chaque jour pour quatre cents convives : « sept mille bougies allumées toutes les nuits, dans les salles du château ; promenades sur l’eau en barques chargées de musiciens. » Bref, six semaines de divertissemens et une lune de miel d’heureux présage.

Deux ans de suite, les jeunes époux menèrent côte à côte, soit à Paris, soit à la campagne, une existence d’amoureux, paisible et enviée par tous ceux qui pouvaient admirer le cadre de leurs amours. Ils avaient naissance, honneurs, richesses, beauté et, par-dessus tout, cette prime jeunesse qui voit l’avenir dans un mirage étincelant. En 1755, par une nouvelle faveur royale, Condé reçut la Toison d’Or des mains du marquis de la Mina, qui l’arma chevalier, en le frappant par trois fois de son épée sur l’épaule gauche. Que lui manquait-il encore, si ce n’est de mériter toutes ces grandeurs ? Il avait ses éperons à gagner.

Cette douce période de début amena très rapidement la naissance de trois enfans : une première fille qui devait mourir bas âge, puis le duc de Bourbon et la princesse Louise, voués l’un et l’autre à des existences ballottées par des événemens tragiques.

Au milieu de ces trop courtes joies de la famille, les velléités guerrières du jeune prince s’étaient encore développées par