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Les allégations de la presse allemande se détruisent l’une l’autre.

Enfin un dernier motif qui explique la mauvaise humeur de la presse allemande est l’impression que la nouvelle distribution de nos forces maritimes lui a donnée de notre intimité plus étroite avec l’Angleterre. Si nous avons cru pouvoir sans inconvéniens amener notre troisième escadre dans la Méditerranée, c’est, dit-elle, parce que nous comptons sur l’Angleterre pour veiller sur nos intérêts au Nord, et si l’Angleterre a ramené la plus grande partie de ses propres forces au Nord, c’est parce qu’elle compte sur nous pour veiller sur ses intérêts au Sud. Tous ces mouvemens n’ont pas pu se faire sans que les deux pays se soient mis d’accord en vue de certaines éventualités. Rien, en effet, n’est plus vraisemblable. Ni l’Angleterre n’a renoncé à défendre elle-même ses intérêts dans la Méditerranée, ni la France à défendre les siens dans les mers du Nord ; aucune grande puissance ne peut consentir à de pareilles abdications partielles ; aucune toutefois n’est aujourd’hui assez grande pour se confiner dans l’isolement et pour y trouver de la sécurité. Il ne faut donc rien exagérer ; les thèses trop absolues sont certainement inexactes ; mais que les mouvemens maritimes de ces derniers temps aient été le résultat d’une entente, personne n’en doute. Une telle entente ne peut être que provisoire. Dans quelques années, le développement des forces maritimes de la Triple-Alliance exigera d’autres dispositions. Nous procéderons nous-mêmes à des constructions navales correspondant à celles des autres. Il le faudra bien : ces folles dépenses sont indispensables. Ce n’est du moins pas nous qui en avons donné l’exemple et, si nous le suivons, c’est que nous y sommes impérieusement obligés.

Nous lisions, ces jours-ci, dans les journaux le compte rendu d’une conversation du roi de Monténégro. Il disait que, par considération pour les intérêts de la Russie qu’il faisait passer même avant les siens, il renonçait à la guerre, mais que la paix coûtait plus cher qu’elle. Peut-être avait-il raison, la paix coûte de plus en plus cher : elle vaut pourtant mieux que la guerre, et, quand les intérêts vitaux et l’honneur du pays le permettent, on ne saurait faire de trop grands sacrifices pour la conserver.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.