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LA CONDITION DES SALARIÉS AGRICOLES
ET
L’EXODE RURAL

Tout le monde a entendu dire que nos campagnes se dépeuplaient. Cette affirmation comporte à coup sûr des commentaires, des explications détaillées, et des restrictions prudentes ; elle correspond toutefois à une réalité. Parmi les causes assignées à ce phénomène, il en est une que l’on doit signaler et étudier pour en discuter la valeur. Il s’agit de l’insuffisance des salaires et de la nourriture du personnel des fermes, de la durée excessive des travaux journaliers, du défaut de bien-être et d’hygiène, du chômage ; il s’agit, en un mot, de la condition misérable de ce que l’on nomme avec plus d’audace que de vérité, le prolétariat rural.

Telle serait la cause de la dépopulation des campagnes. L’alcoolisme lui-même, avec les déchéances qu’il entraîne et ses terribles dangers, apparaîtrait comme la conséquence nécessaire de l’état de misère dans lequel les salariés agricoles auraient été maintenus jusqu’ici par le patron qui les « exploite. » Et, pour guérir tous ces maux, que faudrait-il, sinon adopter les conclusions socialistes et collectivistes, confisquer la terre entre les mains de ceux qui la détiennent sans la cultiver eux-mêmes, supprimer l’employeur dont le profit n’est qu’un prélèvement abusif opéré sur le produit d’un travail payé moins qu’il ne vaut ?

On voit quelle est la portée du problème posé.

La condition du travailleur salarié serait-elle restée misérable