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— C’est un mariage comme on en bâtit couramment.

— Oh ! on a vu pire…

— Mais il y a mieux, direz-vous ; cela se peut très bien. Je suis avant tout une fille pratique, mais pas à la manière antique qui consistait à se garder de l’argent pour ses vieux jours. Mon avis est qu’en fait d’argent, il faut en avoir dès qu’on entre en ménage…

— Vous avez parfaitement raison, ma chère Rolande, et je souhaite que tous vos désirs soient satisfaits. Est-ce qu’il y aurait indiscrétion à vous demander où vous en êtes ?

— Aux préliminaires, tout au plus. Et si je vous en ai parlé, c’est qu’il me semble que vous pourriez… m’aider.

— Vous aider ? Je ne vois pas bien…

— N’ayez crainte : je ne vous demande pas d’aller offrir ma main au baron. Soyez mon allié. C’est très important. Un mot placé à propos vaut mieux, parfois, qu’un long discours…

Et ils scellèrent d’une poignée de main fraternelle un pacte d’alliance. Paul Baroney, grâce à son uniforme et une certaine gravité élégante, était le plus brillant des Baroney de Filaine. Et cela plaisait à Rolande. Il était donc assez adroit de la part de Rolande de l’avoir choisi pour servir en quelque sorte de trait d’union entre la Parisienne et le célibataire campagnard.

Il se tira très bien de sa première négociation.

— Monsieur Malard, dit-il un jour au baron, vous allez peut-être me faire observer que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Cependant, voici : est-ce qu’il vous serait agréable de faire plaisir à l’oncle Jérôme ?

— J’en serais enchanté.

— Eh bien ! je crois que si vous consentiez à être garçon d’honneur de Maxime, ils seraient tous…

— Moi, garçon d’honneur ! grands dieux ! quelle idée saugrenue !

— Pourquoi ?

— D’ailleurs, l’on ne m’a rien demandé !

— Par discrétion sans doute. J’ai cru saisir que ma cousine serait ravie de vous avoir pour cavalier.

— Mlle Rolande ? Un gros pataud tel que moi ? Allons donc ! Vous voulez vous moquer ?

— Pas du tout. D’ailleurs vous avez fait sa conquête.

Et, à l’étonnement de tous, le baron accepta de remplir le