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tats, aux complots, aux soulèvemens, Sanjo et Iwakura répondent par des mesures coercitives ; mais Okuma les trahit et quitte le ministère avec tout le clan de Hizen pour fonder un nouveau parti d’opposition, le parti progressiste. Iwakura est mourant. Sanjo se reconnaît incapable de gouverner seul dans ces circonstances nouvelles. L’empereur alors intervient, et d’une manière décisive, qui révèle enfin son caractère. Cédant à la pression des révolutionnaires, il déclare, le 12 octobre 1881, qu’il accorde une constitution, mais il en retarde la promulgation jusqu’en 1890 ; il s’adresse à ses sujets en termes sévères : « Nous remarquons que la tendance de notre peuple est d’avancer trop rapidement sans la pensée et la considération qui rendent seuls les progrès durables, c’est pourquoi nous avertissons nos sujets, les grands comme les petits, que ceux qui troubleront la paix de notre royaume en réclamant des transformations soudaines et violentes encourront notre déplaisir. » Et aussi résolument qu’il a fait une concession devenue nécessaire, Mutsuhito met fin à l’œuvre de destruction et décide que les neuf années qui le séparent de la date fixée pour l’établissement du régime constitutionnel seront consacrées à l’œuvre de reconstruction, qui maintenant absorbera toutes les forces du pays. Cette double détermination, digne d’un chef d’État, produit son effet. Les révolutionnaires, privés de l’appui de l’opinion publique, se calment et la masse de la nation, effrayée de tant de ruines, s’associe franchement à la grande œuvre qu’entreprend son souverain. Les mauvais temps sont passés.


III


L’empereur avait maintenant vingt-neuf ans ; haut d’un mètre quatre-vingt-dix centimètres, fort, large d’épaules, le teint brun, les arcades du front proéminentes, les sourcils touffus, les yeux durs, le regard profond, la bouche grande aux lèvres épaisses mal cachées par la moustache, le menton saillant et volontaire accusé encore par la barbe taillée à l’impériale, il s’imposait comme un maitre : nul ne pouvait le voir et douter que ce fût lui qui gouvernât. Le mysticisme de ses premières années, qui devait se développer plus tard, s’était tempéré alors par l’action, la vigueur du caractère, le sens de la réalité, un tour d’esprit pratique et précis. Les épreuves de son enfance lui avaient