Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/402

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quent le gosho de cinq côtés à la fois, leur élan est d’abord irrésistible, ils enlèvent les portes extérieures, conquièrent le quartier des nobles et les jardins, emportent la première enceinte du palais. Des balles, des boulets tombent dans les appartemens qu’habite l’empereur, les nobles de cour effrayés parlent de traiter, les shogunaux ne veulent rien entendre ; pour isoler les assiégeans, ils mettent le feu à quelques maisons de kuge ; le vent, des malfaiteurs étendent l’incendie ; au milieu des flammes, c’est une lutte sauvage : des révolutionnaires cernés, peu réussissent à s’échapper, les autres s’ouvrent le ventre, sont massacrés ou pris vivans pour être livrés à la torture.

L’attaque du gosho réconcilia définitivement Komei avec le shogun et lui fit prendre dans la même haine que les révolutionnaires tous les partisans des réformes. Pour Mutsuhito, bien qu’il n’osât s’élever contre son père, il réfléchissait, il doutait, et chaque jour augmentait ses doutes : on avait cru que l’appui de l’empereur faisait la force des rebelles, il se tournait contre eux et leur nombre augmentait, leurs bandes battaient les troupes du shogun ; les clans des îles, Satsuma, Hizen et Tosa, suivant l’exemple de Choshu, embrassaient la cause de la Révolution. Et tout à coup Komei, pris de la petite vérole, mourut (février 1867), laissant à l’enfant de quatorze ans un trône chancelant, un pays démembré. Komei était pourtant capable de faire de grandes choses, mais il n’avait su comprendre ni l’enseignement de ses ancêtres, qui lui disaient de renoncer à la lettre de la loi pour en garder l’esprit, ni l’appel de son peuple, qui lui demandait de fonder une monarchie nouvelle, où les sujets seraient unis au maître, non plus par la crainte, mais par l’amour.


II


Komei mort, tous se tournèrent anxieux vers cet enfant inconnu, dont la taille haute et frêle, le visage aux yeux fixes, ne laissaient pas deviner le caractère. Ce que son père n’avait pu accomplir, pourrait-il, lui, l’accomplir ? De ces clans en guerre les uns contre les autres, de ces castes qui se haïssaient et voulaient se détruire, saurait-il refaire un peuple ? En attendant qu’il devînt un homme, les partis ennemis cherchaient à