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peut nous apprendre quelque chose de nouveau ; elle seule peut nous donner la certitude. »



Mais alors les théories de la physique mathématique qui ne sont que l’expression et la synthèse de l’expérience physique ne doivent-elles pas nous fournir cette image définitive et en quelque sorte dogmatique de l’Univers que nous a promise une certaine philosophie ? On l’a cru un temps ; et ayant observé combien la fortune de ces théories a toujours été précaire, combien les plus brillantes passent rapidement pour céder la place à d’autres indéfiniment, d’aucuns ont eu beau jeu pour proclamer que la science était vaine, et qu’elle avait fait faillite. Mais Poincaré va nous apprendre que les théories physiques ne méritent ni cet excès d’honneur, ni cette indignité, et rappeler leurs aveugles adorateurs comme leurs détracteurs systématiques à une notion plus saine des choses.

L’observation et l’expérience fournissent au physicien des faits. Se contentera-t-il de les recueillir sans plus ? Non, car « le savant doit ordonner ; on fait la science avec des faits comme une maison avec des pierres ; mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison. » Et tout d’abord le physicien doit « prévoir » les phénomènes ; il n’y arrivera qu’en généralisant ce qu’il a vu, en interpolant, en réunissant par une courbe les faits isolés ; puis il extrapolera, il prolongera cette ligne qui pénétrera alors dans un domaine non observé, où les coordonnés de la courbe lui indiqueront des phénomènes nouveaux ; par l’expérimentation qui lui permet de disposer de ces coordonnés, il constatera si ces phénomènes sont ou non réalisés. Dans le premier cas l’extrapolation était légitime, et le tracé de la courbe exprimait bien des rapports réels. Dans le second cas, il faut chercher autre chose.

Si je ne me trompe, l’image précédente indique assez exactement ce qu’est la physique mathématique et son rôle à la fois de synthèse et de prévision ; les expressions mathématiques des théories physiques ne sont que la traduction algébrique de la courbe que j’imaginais tout à l’heure et que trace mentalement le physicien. Plus une théorie de physique exprimera de rapports réels entre les phénomènes, plus elle les exprimera simple-