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s’étaient atténués et comme effacés à la suite des défaites françaises, laissant la place à l’hégémonie britannique. Maintenant, ils se ravivent comme un pastel fané qui reprend ses couleurs.

Les communications se multiplient. Aux héros américains en France, aux héros français en Amérique, on élève des statues qui manifestent la survivance de ces sentimens traditionnels. Reconnaissons que, dans cette course au souvenir, nous sommes dépassés, comme en beaucoup d’autres choses, par l’Amérique. Aux États-Unis, le nom de La Fayette est, pour ainsi dire, constitutionnel ; ce n’est pas sans une réelle émotion que le visiteur français voit, dans la salle de la Chambre des représentans, de chaque côté de la tribune présidentielle, deux portraits, pareils en grandeur et en importance, veillant sur les délibérations de l’assemblée, celui de Washington et celui de La Fayette.

Des monumens analogues sont conservés pieusement partout, aux États-Unis : on se refuse à oublier, là-bas, que deux des étoiles qui forment la constellation américaine sont françaises, — le « Maine, » la « Louisiane, » dont le nom est celui d’une de nos provinces et d’un de nos rois, — que nombre de villes ont des origines françaises, que du sang et du ciment français sont partout à la base du magnifique édifice de l’Union.

Champlain, qui était déjà grand, grandit encore après trois siècles ; il est appelé, au Canada, « le père de la patrie ; » les États-Unis le considèrent comme l’initiateur qui marqua les premiers pas sur le sable, — ou sur la neige. Il eut, en effet, la divination de tout ce que l’avenir devait réaliser, non seulement dans la région où il fondait un Empire, mais au delà des espaces et du temps, sur le continent septentrional tout entier.

Je rappellerai brièvement les traits les plus frappans de cette admirable vie française que, — pour la rendre plus claire et plus proche de nous, — je comparerai à celle d’un Brazza. L’un et l’autre furent, à la fois, des explorateurs et des fondateurs, des hommes de labeur, de courage et de haute vision prophétique. Les grandes tâches choisissent leurs grands hommes, et les ouvriers de la première heure sont toujours et restent, en tout, les premiers.

Samuel Champlain n’est pas le plus ancien des pionniers envoyés par la France en Amérique du Nord. D’autres avaient paru avant lui. Ainsi, ce Verazzano, qui explora les mers septen-