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une lettre de Maxime. Une sorte de pudeur mêlée de sourde inquiétude l’avait empêché de s’informer de son contenu. Aujourd’hui, il avait besoin de savoir. Il convenait que Marthe le comprit. Elle n’y manqua pas. Elle savait si bien déchiffrer le grimoire des attitudes de son père !

— C’est toujours la même chose, tu sais, du côté de Maxime, dit-elle simplement.

— Ah !

— Oui. Son dernier billet, en réponse à une longue lettre de moi, disait simplement que sa cure n’était pas terminée, qu’il avait encore besoin de quelques mois de traitement.

— Quelques mois ! Ah ! ah !

— C’est son expression habituelle. Je compte par jour, par minute ! lui, il compte par mois. Quinze mois, déjà, qu’il nous a quittés…

— Il ne doit plus savoir comment revenir… Tu verras qu’il faudra qu’on aille le chercher ?

— Je suis prête !

— Non ! pas de nouvelles émotions. L’enfant a été sauvé, il s’agit de ne plus compromettre sa santé… Ton mari reviendra quand bon lui semblera.

Et maître Bourin songeait qu’en France on a beau faire tous les matins une loi nouvelle, la morale s’y trouve de moins en moins protégée. Ah ! s’il disposait du pouvoir ! Me Bourin serait le plus froid, le plus rigide des tyrans. Il y aurait moins de lois, elles seraient très simples, mais personne ne s’y pourrait soustraire impunément. On s’habituerait vite à obéir à ce code-là ! La fugue de Maxime aurait été impossible. Et tout le monde s’en porterait mieux, à commencer par le coupable, en train de se ruiner la santé…

C’était la vérité. Maxime se surmenait. Sa situation fausse avait éloigné de lui les amis de son père et jusqu’aux prêteurs auxquels il avait eu si souvent recours. Me Bourin en savait, sur ce sujet, plus long qu’il n’en disait à Marthe. Il avait sa police.

Profondément émue de l’abandon de la jeune maman et de la pauvre petite, Mme Jérôme, — ou plutôt Rolande qui menait désormais la barque, — avait signifié à Maxime d’avoir à se préoccuper de son logement et de ses repas. Rolande ne voulait plus vivre auprès d’un « tel être. »