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— Vous avez vu mon mari ? demanda-t-elle.

— Oui, je l’ai vu.

— Il allait bien ?

— Il allait bien.

Que pouvait-il dire de plus, le pauvre Malard ?

— Et Rolande ? Comment va-t-elle ?

— Très bien.

— Vous deviez rentrer plus tard.

— Oui, je me suis tout à coup ravisé. Cette arrivée de Maxime à Paris… Nous sommes des gens de province, nous autres, la ville ne nous vaut rien. C’est une vraie chance que vous habitiez en Berry. A Paris, vous seriez deux fois plus malheureuse.

— Je vous remercie, monsieur Malard, dit Marthe, les yeux toujours brouillés de pleurs. Vous êtes bon, vous.

— Oh ! je suis bon, je suis bon, ronchonna le baron. Ce n’est pas encore démontré. J’ai bien failli commettre une vilaine action.

— Oh !

— Oui, madame, oui.

Alors à l’aide de petites phrases hachées, — il n’était pas bon avocat surtout de ses propres causes, — il raconta sa liaison avec Suzanne Miroir, son arrangement égoïste : Suzanne continuant sa vie médiocre et lui se prélassant dans sa grande maison. Soudain, l’arrivée de Rolande, sa cavalière franchise qui le met à l’aise, l’enthousiasme de la jeune fille pour le château, et puis, pourquoi ne pas l’avouer ? ses avances non douteuses… Enfin, il est épris ! Et il part pour Paris, il mène trois semaines « une vie idiote au milieu de pantins qui le stupéfient. » Et comme conclusion, l’arrivée de Maxime…

— Ah ! nous sommes de jolis cocos, nous autres, les hommes. Nous arrangeons notre vie, avec l’une, avec l’autre…

Et la colère, mêlée à sa timidité naturelle, congestionnait son visage. Marthe, les mains jointes, considérait cet homme qu’elle connaissait à peine et qui lui faisait en ce moment tant de mal et tant de bien. Les mains jointes, elle laissait tomber par moment une larme qui faisait une tache sombre sur son clair costume.

— Oui, oui, de jolis cocos ! Les femmes sont meilleures que nous…