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de ses lunettes, puis d’un signe, il montra qu’il avait entendu et compris.

— Père, où est Maxime ? demanda Marthe d’une voix tremblante dès que son beau-père fut entré.

— Comment ! où est Maxime ?

— Il est parti à neuf heures et demie ce matin. Il n’est pas rentré déjeuner. Voici la nuit, alors, n’est-ce pas ? je m’inquiète. Il ne lui est rien arrivé, j’espère…

— Rien que je sache. Il m’a serré la main au chantier à Épirange, vers dix heures… Ah ! sapristi de sapristi !…

— Mon Dieu, qu’est-ce qu’il y a ?

— Je suis le dernier des pauvres d’esprit.

Jérôme se frappa le front, puis se mit à fouiller dans ses poches :

— J’ai une lettre pour vous.

— Une lettre ?

— Oui, Maxime, qui avait l’air très pressé, m’a remis cette enveloppe en me priant de vous la donner à midi, en passant devant chez vous. Et je l’ai complètement oubliée. J’espère que cela n’était pas grave. Sans doute un rendez-vous imprévu…

Pendant que Jérôme se maudissait, s’excusait, se rassurait, Marthe avait ouvert la lettre. Toute blanche, la bouche close, les yeux fixes, elle la relut deux fois, puis écartant les bras, elle tomba comme une masse sur le tapis, sa tête glissant le long d’un fauteuil. Cela fut si imprévu pour Jérôme qu’il n’eut pas le temps d’arrêter la chute. Les mains tremblantes, il jeta sur un meuble son chapeau, sa serviette et se précipita pour relever la jeune femme. Il la souleva avec précaution, la déposa sur un canapé, puis il appela. La domestique, mise au courant, apporta une serviette et du vinaigre. Tandis qu’elle donnait ses soins à sa maîtresse, Jérôme ramassa la lettre qui était restée à terre et il lut :

« Ma chère Marthe,

« J’étouffe ici. J’ai besoin de prendre l’air de Paris. Arrangez-vous, le père et toi, pour que ma petite fugue ne fasse pas trop de bruit dans Landerneau. Non, décidément, je ne me vois pas encore notaire ici. Je ne suis pas mûr. Ce que je fais est peut-être idiot. Mais tu t’y attendais tellement (cela se lisait en toutes lettres sur ton front) que je n’ai pu résister à te donner raison.