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J’IRAI


J’irai semant l’amour dans ma hâte exemplaire,
Et divine sera la moisson que j’attends,
La moisson que mûrit le rêve et que le temps
Transformera pour tous les pauvres en salaire.

Je me perdrai par les sentiers, par les chemins,
Où tant de malheureux succombent sous leur charge,
Et j’épandrai d’un geste idéalement large
La semence d’espoir que recueillent leurs mains.

Or, je ne garderai de ce qui m’environne,
Quand mon corps las sera par la marche affaibli,
Le soir venu, qu’un peu de silence et d’oubli,
Et Dieu m’en tressera peut-être une couronne.



L’INGÉNU TRÉPAS


C’est de toi que je tiens, ô mère, j’en suis sûr,
Mon poétique amour, digne de quelque fée ;
Toi qui, telle une perle au velours agrafée,
As fixé ma pensée aux choses de l’azur.

Je dois à ta candeur magique et souveraine
Ce don d’imaginer qui transfigure tout,
Et tu m’as su donner, dès l’enfance, le goût
Des contes qu’enjolive une bonne marraine.

Aussi, quand il faudra que je quitte à jamais
Cette vie, où la grâce est mêlée au mystère,
C’est de naïvetés que mon cœur solitaire
S’emplira pour mourir, ô mère que j’aimais.



RENOUVEAU


C’est une immense fête heureuse et nuptiale.
Le printemps semble ému de soupirs attendris,
Et, sur la jeune écorce où des noms sont inscrit,
La sève fait pleurer l’ancienne initiale.