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au ministère de la Marine, avec d’autant plus de facilité sans doute qu’il arrivait au bon moment. Ses propositions se rattachant aux préoccupations de l’heure, la Direction des Colonies se mit à les étudier. L’île de Basilan lui parut convenir pour l’un de ces établissemens maritimes qu’on cherchait maintenant à multiplier ; elle pouvait être tenue pour indépendante, la souveraineté des Espagnols sur les Philippines ne devant pas s’étendre jusque-là ; elle était bien située, au débouché des détroits de la Sonde, sur la route de la Chine comme sur celle du Pacifique. Si donc une exploration attentive confirmait les dires de Mallat, il n’y aurait qu’à occuper sans délai. Le Conseil des ministres ayant approuvé ces conclusions, les mesures d’exécution commencèrent aussitôt. La mission chargée d’aller négocier avec la Chine un traité analogue à celui des Anglais se préparait à partir : Mallat lui fut adjoint avec le titre significatif d’agent colonial. Le chef de mission, M. de Lagrenée, reçut, en outre, le 9 novembre des instructions spéciales signées de Guizot, qui complétèrent ses instructions générales et le mirent au courant de nos vues sur Basilan. En même temps, l’amiral Cecille, commandant la nouvelle station des mers de Chine, recevait du ministre de la Marine des instructions parallèles. L’amiral et le diplomate devaient, guidés par Mallat, explorer l’ile de concert et, si les renseignemens fournis se trouvaient exacts, conclure immédiatement un traité par lequel les chefs locaux reconnaîtraient la souveraineté de la France.

Après avoir conçu son plan général d’expansion, le gouvernement en poursuivait donc, et sans aucun délai, l’exécution très méthodique. C’est là encore un phénomène suffisamment rare pour mériter d’être soigneusement relevé. Cela fait, inutile d’ajouter, car chacun le sait par avance, que les tentatives d’exécution n’aboutirent pas.

Pour modestes qu’ils fussent, nos premiers établissemens nouveaux sur la côte d’Afrique, dans l’océan Indien ou dans l’océan Pacifique avaient immédiatement attiré l’attention peu bienveillante de l’Angleterre. La méfiance et la susceptibilité de celle-ci à peine mises en éveil, des circonstances particulières leur fournirent l’occasion de s’affirmer. Dans l’océan Pacifique, l’amiral Dupetit-Thouars avait, en effet, poursuivi sa politique