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laient au contraire un traité préalable pour pouvoir, le cas échéant, l’opposer aux Anglais. Cette divergence entre les deux Ministères arrêta pendant plusieurs mois toute décision. Pour regrettables qu’elles fussent en principe, ces lenteurs hésitantes n’exercèrent nulle influence sur la suite des événemens : on apprenait, en effet, bientôt que le crédit dont se targuait Garrot était imaginaire et que tout espoir devait être abandonné d’arriver à l’accord projeté. L’affaire de Diégo-Suarez échouait une fois de plus ; mais cette fois encore, la Direction des Colonies allait la faire renaître et, qui plus est, singulièrement amplifiée.

Le gouverneur de Bourbon était alors le contre-amiral de Hell, qui, de son propre aveu, s’était proposé comme objet principal de son activité, la mainmise sur Madagascar. C’est dire les soins tout particuliers qu’il donna aux explorations qu’on lui avait prescrit de faire exécuter dans la région de Diégo-Suarez. Il y avait notamment employé, dans les premiers mois de 1839, un officier de son état-major, le capitaine Passot, qui étudia toute la partie Nord-Ouest de Madagascar et constata les vexations infligées par les Hovas aux Sakalaves habitant la région. Visitant aussi les îles voisines, Nossi-Bé en particulier et Nossi-Mitsou, il y trouva d’autres Sakalaves établis avec leurs chefs pour fuir les Hovas, et très disposés à bien accueillir quiconque offrirait de les protéger. Il remarqua de plus qu’avec leurs ressources forestières et leurs mouillages sûrs, ces îles pouvaient offrir des points de relâche. C’étaient là des indications intéressantes à plus d’un titre. Avec son intelligence très avisée, le gouverneur de Bourbon fut le premier à les bien apprécier. Essentiellement homme d’initiative, il résolut d’en tirer un parti immédiat et de sauvegarder tout au moins l’avenir en attendant les ordres sollicités à Paris et les mesures définitives. Dès le mois d’avril 1840, il renvoya donc à Nossi-Bé et dans les îles voisines une mission qui, sous couleur d’y chercher des bois, devait, en réalité, les mettre à l’abri d’un coup de main éventuel des Hovas et préparer leur occupation par la France. Dans le courant de l’été le ministère de la Marine recevait ainsi, presque à la fois, les renseignemens réunis par la mission Passot sur les îles du canal de Mozambique et l’annonce de mesures déjà prises pour y faire prédominer notre influence. Or, la Direction des Colonies regrettait toujours de voir ajourner l’occupation de Diégo-Suarez, et la menace d’un conflit avec l’Angleterre rappe-