Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vernement. Celui-ci, pris dans son ensemble, fut heureux peut-être d’arriver à faire quelque chose, sans toutefois s’engager aussi directement que dans la combinaison Thierry. Un accord intervint : assurance fut donnée d’une protection efficace, et, à la suite d’un accord signé le 11 octobre 1839, l’État équipait deux bâtimens pour favoriser la compagnie Nanto-Bordelaise, dont l’entreprise fut dès ce moment poussée très activement[1]. Il était malheureusement trop tard. Quand la corvette l’Aube, précédant les émigrans, arriva en Nouvelle-Zélande, ce fut pour recevoir notification de l’annexion par la Grande-Bretagne. Ainsi que le faisait remarquer peu après un fonctionnaire des Colonies, les Anglais avaient agi pendant que nous délibérions.

Quoique mortifié par cet échec, le ministère de la Marine ne se découragea pas. Dès l’année suivante, en 1841, il proposait, d’accord avec le ministère du Commerce, l’acquisition de l’ile de Poulo-Condor qu’il venait de faire explorer et qui pouvait offrir un point de relâche sur la route du Pacifique et de la Chine. Cette fois encore, les Affaires étrangères témoignèrent peu d’enthousiasme et firent écarter le projet. Les divergences de vues entre les ministères et la lenteur de leurs discussions semblaient donc devoir faire abandonner toute idée d’installation dans ces mers lointaines quand brusquement, dans le cours de cette même année 1841, une autre affaire aboutit.

Elle est partout racontée, et cependant certains détails de son élaboration demeurent encore impossibles à démêler. Le récit qu’en a donné M. Guizot, dans ses Mémoires pour servir à l’Histoire de mon Temps, doit d’une manière générale être tenu pour exact. Le désir de réparer l’échec essuyé en Nouvelle-Zélande fut certainement un des motifs déterminans ainsi que le désir d’assurer un point de relâche aux baleiniers qui parcouraient le Pacifique comme aux croiseurs chargés de les surveiller ; rien n’empêche non plus d’admettre que le gouvernement songeât à créer un lieu de déportation pour se débarrasser des forçats dont l’entassement dans les bagnes de France passait depuis longtemps pour un danger. Il est évident aussi que les renseignemens recueillis par Dupetit-Thouars, au cours de la mission de la Vénus, servirent à fixer les idées et à guider dans le choix d’un archipel. Mais divers documens provenant de la

  1. Voyez à ce sujet, dans la Revue du 15 janvier 1882, l’étude d’Émile Blanchard.