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rieur que nous cherchions à capter pour le profit du Sénégal. Pour parer à de tels inconvéniens, le plus simple comme le plus sûr était de profiter de l’occasion offerte et d’en profiter sans délai. Cette façon de voir fut adoptée par le gouvernement et ainsi s’engagea une affaire assez curieuse, maintenant bien oubliée, quoique des événemens tout récens lui aient donné un petit regain d’actualité. Mais l’Oued Noun était tenu, non sans raison, pour indépendant du Maroc, et une négociation n’avait, d’autre part, chance d’aboutir qu’en empêchant les immixtions marocaines : notre agent à Mogador ne pouvait donc servir de seul intermédiaire, sans compter qu’il n’était pas qualifié non plus pour procurer les indications géographiques indispensables. Il fut donc décidé qu’un officier de marine partirait de France en mission spéciale. En conséquence, dans l’automne 1839, un lieutenant de vaisseau de rare mérite, Bouët-Willaumez, reçut l’ordre d’explorer avec le brick la Malouine, la région côtière de l’Oued Noun et de se mettre en relations avec le cheik. La Malouine arriva en novembre devant Mogador où Bouët-Willaumez devait, comme de juste, se renseigner plus complètement auprès du consul. Les choses commencèrent alors à se préciser. Surpris, semble-t-il, voire un peu inquiet, de la suite donnée à ses propres communications, Delaporte spécifia que le cheik songeait simplement à la fondation d’un port, nullement à une cession de territoire, et fit remarquer que la saison était très peu favorable pour une exploration. C’était aussi l’avis des marins. La Malouine gagna donc le Sénégal et la suite des opérations fut remise à plus tard. Mais, dès le mois de février 1840, le ministère ordonnait de les reprendre, témoignant ainsi d’une hâte significative. Bouët repartit. Cette fois, il put procéder à une étude hydrographique en règle, nouer d’autre part des négociations et, au mois d’août, il adressait à Paris un rapport et un traité dûment signé. Le rapport qui visait les ressources au pays côtier et les conditions de la navigation, était peu encourageant ; le traité, en revanche, était formel. Le cheik s’engageait à créer un port avec l’aide de la France ; il en demeurerait le souverain, mais, en cas de besoin, recourrait à la protection que la France promettait de lui fournir. La France, d’autre part, entretiendrait un consul dans la ville à fonder et y jouirait d’un monopole commercial. Ces clauses, qui nous semblent