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« … Quand Bismarck fut convaincu que tous ses efforts pour internationaliser sa politique religieuse étaient vains, il eut pendant un moment l’idée de jeter le ministre des Cultes Falk par-dessus bord et de faire la paix avec les catholiques. Un peu avant Pâques, je causais avec un homme qui le voit beaucoup et qui me demanda, tandis que je l’entretenais de la folie des procédés actuels, comment on pourrait sortir de cette impasse ? Je répondis à cette question par un long exposé dans lequel je montrais que ce serait possible sans reculade, et je présentais trois esquisses de lois aux moyens desquelles la chose pouvait être réglée. Un mois après, vint cette courte réponse : « Mes bonnes intentions étaient vivement appréciées, mais les blessures béantes ne pouvaient être fermées avec un emplâtre. » La phase de conciliation était passée et le chancelier avait résolu de sortir des complications intérieures par une action à l’étranger, de frapper un grand coup dont la Belgique serait l’objet.

« Je ne puis dire qu’il soit déterminé positivement à faire la guerre, car il serait obligé de créer d’abord une situation où l’Allemagne semblerait être l’offensée… Ceci ne serait pas aisé, car les Cabinets sont méfians et il n’y a plus d’aveugle camarilla française ou autrichienne pour penser à la guerre. Mais il est déterminé à annihiler la Belgique qu’il déclare être le foyer des conspirations. Il consentirait aisément au partage de ce pays entre la Hollande et la France, et voudrait désintéresser cette dernière de manière à lui faire accepter définitivement la perte de l’Alsace-Lorraine. Il parle avec mépris de l’Angleterre qui ne serait pas capable de donner une aide militaire effective à la Belgique. Il méprise le gouvernement actuel, mais dit qu’il serait content de voir Gladstone au pouvoir… Il ne craint rien de l’Autriche ; tous ses efforts sont concentrés sur la Russie. Ce fut l’objet de la mission de Radowitz (fév. 1875), et il remuerait ciel et terre pour gagner Gortchakof et le tsar pendant leur visite à Berlin. Il leur dira que c’est le moment d’accomplir leurs projets en Orient et que l’Angleterre, absorbée par l’affaire belge, est incapable d’y opposer une résistance effective. Mais il faut qu’il agisse cet été. Andrassy peut être renversé ; les élections bavaroises peuvent être défavorables ; l’Empereur Alexandre peut mourir ; mais surtout, en supposant que la France refuse le marché, l’armée française n’est pas encore organisée, tandis qu’elle le sera dans quelques années. Au