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l’appui du Canada ne nous fera pas défaut. Il est naturellement difficile de définir dès aujourd’hui quelle forme aura la coopération canadienne, mais, s’il le faut, des mesures immédiates seront prises sans attendre le règlement des questions d’ordre plus général. La décision du Canada sera digne de ses ressources et de la place qu’il occupe dans le monde. » Ainsi, l’Angleterre augmente ses forces, les concentre, s’assure le concours de ses amis et de ses colons. C’est ce que le premier lord de l’Amirauté a exposé à la Chambre des Communes dans ce langage simple, grave, sans circonlocutions inutiles qui est celui des ministres anglais. Ils semblent parler pour eux, entre eux, sans se préoccuper de ce qu’on en pensera ailleurs et de l’impression qu’on en pourra éprouver ; la situation insulaire de leur pays, qui le met à l’abri des atteintes immédiates, a dès longtemps habitué ses orateurs politiques à user de ce franc parler. M. Churchill n’a pas paru se soucier beaucoup de ce qu’on pourrait penser à Berlin de son discours ; il ne parlait pas pour les Allemands, mais pour les Anglais. Quant aux Allemands, ne les a-t-il pas avertis une fois pour toutes que, s’ils construisaient deux vaisseaux, l’Angleterre en construirait trois ? Il n’a rien à leur dire de plus, et a laissa à M. Asquith, comme premier ministre, le soin de mettre un peu d’huile dans des rouages d’acier qui avaient grincé peut-Aire trop fort.

Avant de noter l’impression produite par ce discours en Allemagne, voyons un peu celle qu’il a produite en Angleterre. A-t-on trouvé en Angleterre que M. Churchill avait dépassé la mesure, qu’il avait montré trop d’inquiétude, qu’il avait trop demandé aux ressources du pays ? Tout au contraire. A peine s’était-il rassis que M. Balfour s’est levé, puis M. Bonar Law, et qu’ils ont reproché l’un et l’autre au gouvernement, quoi ? De n’avoir pas demandé assez. — Jamais, ont-ils dit, gouvernement n’a exposé une situation plus menaçante, et que propose-t-il pour y parer ? D’assurer à l’Angleterre une supériorité de deux ou trois vaisseaux dans les mers du Nord : encore ne la lui assure-t-il qu’en dégarnissant l’escadre du Sud. Il emprunte tantôt à une escadre, tantôt à une autre ; il dégarnit un jour celle-ci, le lendemain celle-là ; il fait passer ses vaisseaux du Nord au Sud, puis du Sud au Nord, sans être sûr d’avoir sur un point donné les forces qui y seront nécessaires le jour où l’agression ennemie y éclatera comme un coup de foudre. Ces dispositions sont insuffisantes, surtout après le long relâchement qui, grâce à de trop longues illusions, a permis à la situation actuelle de naître. — Est-ce là seulement un langage d’opposition ? L’opposition cesse en Angleterre ou s’atténue